Présentée à Toulouse, au théâtre Le Vent des Signes, « Un matin s’étirer jusqu’aux bouts du monde » est une création de la performeuse Anne Lefèvre et du musicien François Donato, sur un texte cosigné avec Catherine Phet.
Après la réussite enflammée de « Même si ça brûle », qui associait sur scène la parole d’Anne Lefèvre et la matière sonore du compositeur François Donato, le duo se reforme au théâtre Le Vent des Signes pour une nouvelle création intitulée « Un matin s’étirer jusqu’aux bouts du monde ». Annoncée comme un «monodrame pour une voix et live electronics», cette performance à deux têtes (une auteure-performeuse et un compositeur-improvisateur) se déploie dans la friction de deux univers artistiques qui fusionnent leurs énergies pour accoucher d’une «écriture basée sur l’organicité des matières sonores au contact (texte, voix et ses ambitus, musique improvisée, traitements sonores…)».
« Un matin s’étirer jusqu’aux bouts du monde » est pourtant le fruit d’un processus de création à trois, Anne Lefèvre cosignant le texte avec Catherine Phet. «Le besoin de poser un geste radical, celui d’engager une écriture scénique pour dire le désastre et la vie s’impose à moi. Survivre à l’Histoire en train de s’écrire en partageant d’autres îlots de résiliences», avoue Catherine Phet qui livre ici la première création portée par sa compagnie Ek-stasis Prod. Anne Lefèvre décrit sa partenaire d’écriture comme une «femme-fille ardente, persévérante, exigeante, 45 kg tout mouillée, la gnaque d’un pitbull délivré de sa haine, juste férocement convaincue de son désir d’aller au monde, de s’en sauver, armée de poésie et de flèches-mots qui décochent les cases du décrété.»
Catherine Phet vivait à Paris en 2015, à proximité de la rédaction de Charlie Hebdo: «À l’écoute à la radio de cette tuerie qui vient d’avoir lieu à deux pas de chez moi, je m’effondre. Dans la proximité de l’horreur, le monde se dérobe sous mes pieds, mes liens au monde sont coupés, mes repères ont explosé, plus rien à quoi me raccrocher. L’abîme. […] Tandis que je me sens de plus en plus affligée, déboussolée par cette actualité, le flot des évènements morbides, lui, reste imperturbable: naufrages en Méditerranée, attentats islamistes (Bataclan…), guerre en Syrie. Mes voisins sont des réfugiés, venus de Damas. Je commence à vivre entre Toulouse où vit l’homme que j’aime et Paris où je partage une chambre avec une étudiante syrienne. Ces exilés me rappellent en filigrane mon histoire familiale (père laotien exilé pendant la guerre du Vietnam)», confesse Catherine Phet.
Loran Chourrau a rejoint l’équipe au début des répétitions pour habiller l’espace scénique d’images vidéo. « Un matin s’étirer jusqu’aux bouts du monde » sera ensuite présenté à la Fabrique de l’Université Toulouse Jean-Jaurès, puis cet été au festival Théâtre Figeac.
Jérôme Gac
pour le mensuel Intramuros
Vendredi 25 et samedi 26 mars, 19h00, au Théâtre Le Vent des Signes, 6, impasse de Varsovie, Toulouse. Tél. 05 61 42 10 70.
Mardi 29 mars, 12h45, au Ciam – La Fabrique, Université Toulouse Jean-Jaurès, 5, allée Antonio-Machado, Toulouse.