Le public toulousain a découvert ce jeune ténor français d’alors 26 ans d’âge lors du Concours de chant de Toulouse en 2019. Stupéfiant de présence vocale et dramatique en finale dans l’air de Lenski, Valentin Thill se vit ravir la palme suprême par un confrère ténorisant vénézuélien, qui plus est dans le même air. Un hold up incompréhensible malgré toutes les qualités strictement vocales du confrère en question. Mais il en est ainsi de tous les concours de chant de la planète, véritables puits sans fond de questionnements…
Cela dit, Valentin Thill n’a pas échappé aux oreilles de Christophe Ghristi. Après l’avoir fait débuter sur notre scène dans Elektra, il lui confie sa prise de rôle de Tamino dans la nouvelle production de La Flûte enchantée mise en scène par Pierre Rigal. Rencontre.
Classictoulouse : Que vous a apporté le Second Prix du Concours de chant de Toulouse en 2019 dans le développement de votre carrière ?
Valentin Thill : Ce second prix a ouvert beaucoup de portes pour moi. Il a favorisé la rencontre avec mes agents. Cela m’a donné la possibilité d’être engagé dans différentes maisons d’Opéra. Je ne peux que reconnaître que c’est une ligne considérable dans mon CV de jeune chanteur. Et ce prix a provoqué une réaction en chaîne qui a propulsé ma carrière.
Lors de ce concours vous avez entre autres personnages chanté Nadir, Gérald et Lenski. Ils appartiennent à un registre de ténor dit de demi-caractère ou lyrique. Où en êtes-vous, vocalement, trois ans après ?
VT : Ma voix a bien évolué depuis, même si je reste toujours dans ce registre de Ténor Lyrique. Je dirais avoir évolué en terme de maturité vocale. J’ai eu depuis ce concours plusieurs expériences scéniques qui m’ont forgé. Je compte garder longtemps avec moi ces rôles du grand répertoire. Mais je vais au rythme de ma voix sans bousculer les choses.
Alors que vous n’avez pas encore trente ans, comment avez-vous vécu professionnellement les deux années écoulées ?
VT : Comme tout jeune chanteur/euse en début de carrière, ces deux années ont été difficiles. La situation sanitaire qui s’est abattue sur nous a été une épreuve et l’est encore. Il a fallu accepter les annulations, les reports. Toutes ces occasions manquées de se faire voir, entendre, remarquer. Mais je suis conscient de la chance que j’ai d’exercer ce beau métier et je ne peux pas me plaindre. La situation due au Covid-19 a été bien plus difficile pour d’autres qu’elle ne le fut pour moi. J’ai appris à relativiser, je me suis concentré sur les futures saisons. La frustration était bien présente mais l’espoir de remonter sur scène était encore plus fort.
Quelle a été votre réaction lorsque Christophe Ghristi vous a proposé le rôle de Tamino, qui plus est dans une nouvelle production ?
VT : J’ai été très touché qu’il se tourne vers moi et me confie cette responsabilité. Je ne pouvais pas rêver meilleur endroit que le Capitole de Toulouse pour faire cette prise de rôle. Un peu plus de deux ans seulement après le concours ! J’ai déjà eu la chance de revenir au Capitole en juin dernier pour la magnifique production d’Elektra, mise en scène par Michel Fau. Et je suis fier et honoré de pouvoir y chanter mon premier Tamino aujourd’hui.
Votre Tamino de La Flûte enchantée au Capitole est une prise de rôle. Comment l’avez-vous apréhendé ? Avez-vous écouté de grands anciens pour parfaire votre approche ?
VT : Cela m’a demandé un travail plus important que d’habitude. Tout d’abord, le rôle demande une certaine endurance. Le personnage de Tamino a beaucoup à chanter durant ces deux actes. Il faut tenir sur la longueur. Vocalement parlant, le rôle m’est assez naturellement « tombé » dans la voix. C’est un rôle de ténor lyrique assez central qui ne tire ni trop vers le haut, ni trop vers le bas. Même si l’écriture de Mozart est telle que la ligne de chant est toujours exigeante.
Ensuite, la langue. C’est sûrement ce qui a représenté le plus gros travail pour moi. La mémorisation du texte. La prononciation exacte de chaque mot. Mais ce travail était extrêmement intéressant à faire. Et je pense que cela m’aura fait progresser considérablement dans l’apprentissage de l’allemand. J’ai surtout écouté des enregistrements de Fritz Wunderlich qui pour moi est une référence dans ce rôle.
Quelles sont vos prises de rôle à venir et plus globalement quels sont vos futurs engagements ?
VT : Dans les mois à venir, je chanterai dans le Stabat Mater de Dvorak en Finlande avec l’Orchestre symphonique de Lahti. Je chanterai également le rôle de Tavannes dans Les Huguenots de Meyerbeer au Théâtre Royal de La Monnaie à Bruxelles en mai/juin 2022 dans une mise en scène d’Olivier Py. J’ai plusieurs engagements prévus dans différentes maison d’Opéra françaises mais ma prochaine saison marquera surtout mes débuts en Allemagne et en Angleterre dans des rôles que je ne peux pas encore révéler.
Propos recueillis par Robert Pénavayre