Edouard Louis publie Combats et métamorphoses d’une femme aux Editions Seuil, l’occasion de donner la parole à sa mère.
Déjà présente dans En finir avec Eddy Bellegueule, Edouard Louis dresse dans son nouveau roman un portrait maternel. Exercice qu’il avait déjà abordé dans un précédent roman en abordant la figure paternelle. Il accusait alors la fracture sociale d’avoir usé et brisé son père. Dans Combats et métamorphoses d’une femme, Edouard Louis donne à sa mère la place qu’elle a rarement occupée : le centre. Tout commence par une photo retrouvée au hasard. Dessus, une jeune femme de vingt ans, souriante et à priori heureuse. Une jeune femme devenue rapidement épouse et mère. Une vie loin d’un conte de fée et qui effacera le jolie sourire de la photo. La vie familiale devient rapidement une charge et le comportement violent du mari un précipice. La mère tente alors une première émancipation. Ces deux premiers enfants sous le bras, elle quitte son compagnon et fonce vers l’inconnu. Une prise de risque qui sera récompensée ? Sûrement pas, car la mère retombe dans le même schéma. Le second mari sera lui aussi cassant, violent, oppressant. De cette union naissent de nouveaux enfants, dont Edouard. A la misère affective vient alors se joindre la misère sociale.
Joindre les deux bouts
Sans cesse ramenée à sa condition de femme et de subalterne, la vie de la mère devient de plus en plus terne. Le quotidien se fait lourd entre les tâches à accomplir, le manque de reconnaissance et la fatigue. Et, comme si cela ne suffisait pas, la misère sociale vient s’ajouter au tableau. Nous voici donc au cœur d’une solitude. La mère oublie ses rêves, son existence. Les enfants grandissent, certains répétant invariablement le même cadre, celui de la violence et de la honte. Seul Edouard veut sortir de cet engrenage. Il se sent de toute manière très différent depuis l’enfance. Malheureux et violenté par ses camarades qui le traitent de pédé. Edouard ne verra son salut qu’en quittant le village. La ville lui redonne une identité. Cela veut dire s’éloigner de la mère, mais aussi lui offrir une fenêtre sur le monde. Une fenêtre par laquelle elle pourra peut-être s’enfuir.
Ce court texte est bouleversant et confirme la prose vive et lucide d’Edouard Louis. Une plume qui crie le monde et le montre à sa juste mesure. Chaque phrase est martelée avec force et conviction devenant ainsi le porte-parole d’une femme qui n’aura de cesse d’appeler le bonheur et la liberté. Un roman à lire et à relire sans hésitation.
Edouard Louis, Combats et métamorphoses d’une femme, Seuil, 128 p.
Photo : Edouard Louis © Arnaud Delrue
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