Compte rendu Concert. Toulouse. Halle-Aux-Grains, le 6 Février 2021. Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Concert pour piano et orchestre n°20 en ré mineur, K.466 ; Frantz Schubert (1797-1828) : Symphonie n°9 en ut majeur, D. 944, « La Grande » ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. David Fray, piano ; Direction : Leo McFall.
Concert jubilatoire sans public mais très regardé !
C’est le paradoxe incroyable de cette époque. Pas de concert pour le fidèle public mais des captations vidéo et des rediffusions qui permettent à un très grand nombre d’écouter la beauté pure.
Au moment où j’écris ce texte, soit trois jours après le concert, il a été vu plus de 7200 fois ! C’est bien plus que lors de concerts mais l’émotion peut-elle être comparable ? C’est un immense plaisir de le voir ou le revoir mais le concert est un rituel public ne l’oublions pas. Sans public le sens du partage est juste tué.
La presse a pu être présente, je peux donc vous assurer que l’émotion est particulière en ce moment. Sentiment d’extraordinaire privilège et de profonde tristesse d’être face à une vaste salle entièrement vide.
Le début du 20ème concerto de Mozart, avec cette phrase si dramatique évoquant l’ouverture de Don Juan, fait monter les larmes aux yeux. Quelle beauté sonore, quelle puissance expressive, quelle théâtralité fabuleuse ! Le jeune chef anglais, Leo McFall, prend possession de la partition avec un sens du théâtre magnifique. Ce chef est très intéressant car il prend un parti pris très engagé. Il dirige ce concerto comme un opéra, avec un sens des nuances, des couleurs et du phrasé d’une musicalité tout à fait délicieuse. Les gestes eux-mêmes sont d’une grâce, d’une élégance et d’un pouvoir expressif rares. Il donne beaucoup de liberté aux solistes de l’orchestre, et donne aux interventions de l’orchestre un beau relief. Ce concerto, en ré mineur a une grande profondeur et ressemble à une conversation mondaine parfaitement organisée. Ainsi l’orchestre débute majestueusement, le piano répond, puis ils créent ensemble un dialogue respectueux de belle hauteur dans une parfaite lisibilité. Le chef est admirable de présence pour le pianiste comme pour ses musiciens. Sa direction est belle et d’une grande efficacité.
David Fray, qui hélas reste masqué, participe à la dramatisation de l’interprétation tout en osmose avec la vision orchestrale dramatique du début. L’entente entre le pianiste et le chef permet de très beaux échanges. Le jeu de David Fray est franc, précis, parfois un peu sec. Il a tendance à se précipiter dans les cadences qu’il a choisies avec une belle virtuosité. Dans le premier mouvement il semble puiser dans plusieurs propositions : Clara Haskil, Paul Badura-Skoda et Beethoven. Dans le dernier mouvement il ose la cadence tempétueuse d’Edwin Fischer. La théâtralité partagée est reine et le concerto sonne magnifiquement bien : un vrai bonheur !
Leo McFall un chef à suivre de près !
Pour la deuxième partie du programme la « grande symphonie » de Schubert nous permet de jauger Leo McFall tant cette œuvre mérite un chef « qui a quelque chose à dire ». Sa longue construction, ses très nombreuses reprises et sa structure complexe méritent une « grande baguette ».
Avec des gestes toujours aussi élégants, le chef semble prendre totalement confiance avec l’orchestre, laisse jouer les solos librement (les hautbois méritent une citation) et personne ne cache son plaisir. Leo McFall obtient des nuances très creusées, des couleurs magnifiques et il sait phraser admirablement avec beaucoup de subtilité. Il donne beaucoup de caractère aux différents mouvements et semble tous les mettre sous le signe de la danse. Jamais je n’avais remarqué comme bien mieux que la septième de Beethoven cette neuvième symphonie de Schubert mériterait le titre d’apothéose de la danse. L’élégance des marches, la joie des valses, la puissance des cavalcades, l’humour aussi dans les reprises, tout fait de cette symphonie pleine de contrastes un grand mouvement dansé de toute les manières possibles.
Il y a comme une sorte de gourmandise dans les nombreuses reprises et la symphonie avance avec célérité vers le final qui est une véritable apothéose. Leo McFall est un chef passionnant. Sa direction permet à la musique de couler avec beaucoup de vie et l’orchestre a magiquement profité de cette personnalité musicale hors des sentiers battus. Il sait créer un climat surnaturel ou un silence angoissant : c’est un chef qui comprend le théâtre. N’oublions pas qu’il est chef d’opéra et symphonique et également violoniste et pianiste… … Ce grand musicien qui semble s’entendre admirablement avec l’orchestre du Capitole doit revenir vite et pourquoi pas se fidéliser à Toulouse ! Leo McFall un nom à retenir, il est facile de se faire une idée, regardez sur youtube….