Traduit pour la première fois en français, le livre de l’auteur iranien Ghazi Rabihavi, inédit en Iran et publié au Royaume-Uni en persan, est un magnifique roman d’amour entre deux jeunes hommes. Cela pourrait ne pas être très original, il faut en convenir. Sauf que cette relation prend place dans l’Iran de la fin des années 70 au moment de l’arrivée de l’ayatollah Khomeini et de la révolution qui va suivre. Nous le savons tous, cette révolution va être la cause de l’invasion de l’Iran par l’Irak et d’une guerre de près de 8 ans qui va faire près d’un million de morts militaires et civils. Etre homosexuel dans un contexte pareil tient, toujours, du suicide…
Djamil est le fils unique d’un riche propriétaire musulman iranien. En tant que garçon il bénéficie d’une éducation de très haut niveau, contrairement à ses nombreuses sœurs. Un soir il fait la connaissance de Nadji, de beaucoup plus humble extraction que lui. Peu importe. Dans le contexte militaro-révolutionnaire décrit plus haut, nos deux amis vont tenter malgré tout de vivre leur passion tout en nourrissant une seule ambition : quitter ce pays et partir en Europe où Djamil rêve de devenir danseur.
L‘auteur nous fait vivre cette longue et périlleuse odyssée au travers du récit que nous en fait Djamil. Une écriture narrative claire, précise, nerveuse nous permet de suivre nos malheureux héros dans le maelstrom de la plus épouvantable des bêtises humaines.
Entre guerre et intolérance, corruption, prostitution et fanatisme religieux, Nadji et Djamil vont se débattre avec pour seules armes un désir chevillé au corps et une relation fusionnelle d’une incroyable force, ne cédant en rien à l’amour que les unit. Sur ces chemins de l’exil que nous fait parcourir Djamil parvenu à l’âge adulte, chemins sur lesquels nous comprenons vite que Nadji s’est perdu, chemins de croix pourrait-on ajouter, nous croisons le sort des immigrés de tous temps et de toutes nations. En creux, l’auteur nous trace le portrait d’une civilisation, la sienne, celle de l’Iran d’aujourd’hui, telle qu’il ne veut plus la connaître, lui qui est aujourd’hui exilé.
Un roman bouleversant retenu pour le Médicis étranger.