Stéphanie Hochet publie Pacifique aux éditions Rivages, l’itinéraire d’un jeune kamikaze japonais raconté avec subtilité et poésie.
Dure destinée pour les romans parus quelques jours avant le confinement et qui ne bénéficieront pas, hélas, de la promotion habituelle. Parmi eux, celui de Stéphanie Hochet méritait sa part de lumière. Nous espérons le faire ici.
Affronter le destin
Ikao Kaneda est un soldat japonais. Plus exactement un pilote de chasse. Face à eux, les américains. Un des affrontements les plus violents de la seconde guerre mondiale. Les japonais doivent ralentir – ou mieux anéantir – l’adversaire. Pour cela, ils font confiance à la détermination et à la bravoure de quelques jeunes prêts à mourir pour la patrie. Voilà le discours qui leur est répété. Tout soldat doit obéissance à l’empereur. Au sacrifice même de sa vie. Kaneda a accepté cette promesse en rejoignant le porte-avions qui le conduira vers son ultime mission. Pas d’euphémisme, son avion doit s’écraser contre l’ennemi. A l’issue, la mort.
Kaneda vit ses dernières heures. Mais le doute s’immisce. Et si le Japon avait déjà perdu la partie ? A quoi servirait son héroïsme ? Avec le doute survient l’angoisse mais aussi la honte. Il ne doit pas questionner les décisions hiérarchiques. Et pourtant…
Kaneda monte dans l’avion, scrute son objectif, décolle. Il ignore encore ce qui l’attend au bout de cet ultime départ.
Au cœur du pacifique
L’avion émet un signal. Plus de carburant. Kaneda va s’écraser, il mourra bêtement sans avoir contribué à la bataille. Sauf s’il arrive à atterrir sur ce bout de terre qu’il aperçoit en contrebas. Un coin de paradis ? Pas sûr. Kaneda y redécouvrira la complexité des êtres, leur beauté et leur paradoxe. Il pourra afin voir par lui-même, délivré de tous les codes d’obéissance.
Stéphanie Hochet offre un récit d’une limpidité absolue. Un rythme qui tient en haleine de la première à la dernière page. Pas un mot en trop, pas de digressions absurdes. Le parcours de Kaneda est passionnant, un être aux multiples facettes qui questionne le monde sans pour autant le condamner. Le roman se découpe en trois parties, triptyque au souffle haletant qui perce les secrets et les doutes du personnage principal. Autre détail qui n’échappe pas, l’esthétique des personnages secondaires, on pense à la grand-mère, héritière des codes ancestraux, mais aussi à Usagi, l’espiègle et attachant lapin de compagnie. Il fallait un regard juste pour tisser tout cela avec brio, émotion et justesse de ton. Car, le style est impeccable, recherché, poétique. Une écriture sans faille qui caractérise le travail de Stéphanie Hochet livre après livre. Une réussite en tout point !
Stéphanie Hochet, Pacifique, Rivages, 112 p.
A noter la parution en simultané de L’animal et son biographe, Rivages Poche.
Photo: Stéphanie Hochet © Charlotte Jolly de Rosnay