Nina Bouraoui publie Otages aux éditions J.C Lattès. Le monologue déchirant d’une femme qui ne veut plus être une invisible.
Nina Bouraoui signe, une fois encore, un roman d’une d’extrême beauté et d’une intelligence rare. Son regard si juste se pose cette fois sur Sylvie Meyer, 53 ans, mère de deux enfants et employée modèle qui ne fait jamais de vague. Jusqu’au jour où… trop, c’est trop ! Son mari la quitte sans explications et son patron qui « n’était plus un patron, mais un artisan de la cruauté » lui demande de dénoncer ses collègues les moins productives. Sylvie Meyer sombre peu à peu dans une colère sourde, une incompréhension bouillonnante. Pourquoi subit-elle tant de violence, d’abandon, de soumission ? Pourquoi les hommes s’acharnent et sont-ils du côté de la force, du pouvoir ? Il faut que cela cesse, mais comment ? Que faire ? A-t-elle seulement les armes pour se défendre ?
Résister malgré tout
Sylvie Meyer le sait, sans amour, sans ancrage professionnel, elle perd ses repères, sa liberté. La misère sociale serre la gorge et la déception amoureuse prive d’oxygène. Vivre, accepter, continuer deviennent des gageures. Mais Sylvie Meyer étouffe, elle n’en peut plus. Elle doit dire, crier son mal-être, le refus de cette injustice. Sa pensée intime devient étendard, politique, refus d’écrasement : « la société est malade. On nous fait croire que l’on est tous libres et égaux et que notre modèle est le meilleur des modèles, mais ce n’est que de la poudre aux yeux car finalement, nous les petits, on a aucun droit, sinon celui de se taire. » Sauf que Sylvie Meyer ne veut plus se taire, alors une nuit elle franchit la limite. Laisser la parole se libérer, exister, enfin ! Et ce malgré les conséquences. Sylvie Meyer fait le choix de résister, même dans sa chute.
Nina Bouraoui plonge dans les pensées de son personnage qui dit tant du malaise social qui plane, de la fatigue d’être une invisible. L’écrivain devient les yeux, la voix, le corps de Sylvie Meyer pour exprimer tout l’inconfort d’une situation invivable. Pour taper du poing et dire stop aux violences faites aux femmes. Cette histoire qui se referme autour du personnage central est une ode à la liberté, aux opprimés, à l’amour et aux femmes. Quel roman sensible, puissant, juste, visionnaire et bouleversant, en somme!
Nina Bouraoui, Otages, J.C Lattès, 160 p.
Photo : Nina Bouraoui © Patrice Normand