Gioachino Rossini Edition 50 CD Warner Classics
Ce coffret Rossini est une fête. A l’occasion du 150e anniversaire de la disparition du génial compositeur, c’est l’occasion de retrouver de beaux enregistrements rossiniens au firmament comme de découvrir des titres peu connus à coté du Barbier qui reste son plus grand succès. Nous allons survoler les versions choisies par Warner Classics dans plusieurs catalogues.
Précisons d‘abord que le choix de ranger les oeuvre chronologiquement est interessant même si des manies surgissent. Le coffret comprend déjà 50 CD il n’était pas possible d’être exhaustif.
L’Ingano felice est une oeuvre de toute première jeunesse. La présence de la jeune Annick Massis est délicieuse elle est très bien entourée et dirigée par Mark Minkovski que nous n’attendions pas si habile dans ce répertoire. Cet opéra en un acte contient déjà tout le génie de Rossini avant que ces « ficelles « ne soient plus visibles, ici tout va vite et avance sans lourdeur.
La Scala di seta, en enregistrement live est efficace et a comme mérite de nous faire entendre la capacité du jeune Rossini de s’emparer du moule en trois actes avec une facilité déconcertante. la distribution ne comprend personne de vraiment remarquable et la direction de Gabriele Ferro est un peu lourde.
C’est avec Tancredi que Rossini a atteint une notoriété internationale faisant se pâmer Stendhal et il faut écrire que Wagner lui même appréciait cet opéra séria un peu boursouflé mais si séduisant. Le chant rossinien prend un envol jamais atteint et certains airs restent des « tubes » dans les récitals lyriques. L’orchestre gagne en richesse et les finals sont grandioses. La distribution est dominée par une Cecilia Gasdia absolument idéale en Aménaïde. Le Tancredi de Fiorenzza Cossoto est une placide et si la voix est immense les nuances et les intentions sont rares. La prise de son est grandiose avec un orchestre énergique et la direction de … fait avancer le drame avec efficacité.
Les deux TURQUERIES de Rossini d’abord le Turc en Italie puis l’ Italienne à Alger sont comme un chassé croisé en miroir. D’abord le Turc débarque en Italie et tombe sous le charme de Fiorilla puis c’est la belle Isabella qui va à Alger et ridiculise Mustapha. C’est dans ces deux ouvrages que l’humour et l’esprit vif de Rossini s’épanouissent le mieux. Maria Callas en une version historique du Turc en Italie donne son rôle comique le plus abouti avec des moyen vocaux somptueux et une voix parfaitement maitrisée, son jeu de couleurs est infini et vocalement tout est d’une rare délicatesse. Elle est entourée d’un Gedda parfait en poète et entre son mari et son Turc le jeux est hilarant. L’enregistrement mono de 1954 a été très agréablement restauré mais reste mat.
L’enregistrement de l’Italienne à Alger est une référence. La distribution ne contient que des voix inouïes et tout le monde semble s’amuser dans cette oeuvre à l’humour touchant à une sorte de folie burlesque. Marilyn Horne domine le plateau avec sa voix solide et son tempérament de feu Samuel Ramey est un turc à la vocalitée somptueuse, Ernesto Palacio est un Lindoro à la voix de velours toute de charmes latins, le Taddeo de Domenico Trimarchi est impayable aussi à l’aise vocalement qu’à camper un personnage inoubliable. En Elvira de grand luxe Kathleen Battle avec une voix toute de fraicheur et de fruit sucré donne beaucoup de relief à ce rôle souvent sacrifié mais important. La direction de Claudio Scimone est jubilatoire, ses Solisti Veneti et le choeur sont parfaits.
Le Barbier de Séville est l’opéra le plus connu, il est présenté dans une version interessante et qui est agréable en raison de son énergie communiquée par la direction théâtrale de James Levine. Les solistes sont d’excellents acteurs chanteurs aux voix chevronnées. Seule Sills avec son large vibrato dans le médium et le grave pourra ne pas plaire à tous, mais qui résistera au Basilio de Raimondi, au Comte de Gedda ou au figaro de Milnes ?
La Cenerentola modèle de poésie fine est offert dans la version de Vittorio Guy montée sous les auspices de Glynerbourne. Seule le fait que la prise de son soit mono réduit un intense plaisir théâtral et musical. La distribution est idéale de voix, de technique mais surtout de théâtre et de poésie.
Ermione de 1819 nous montre la grandeur de ton dont Rosssini est déjà capable annonçant son Guillaume Tell. La distribution est excellente sous la baguette idéale de Claudio Scimone. Gasdia est royale de timbre et intense d’engagement. Chris Merritt avec une quinte aiguë héroïque est sensationnel en Oreste et chaque chanteur est impeccable et mériterait d’être cité.
Bianca et Falliero nous permet d’admirer Katia Ricciarelli, Chris Merritt et Marylin Horne. Et Zelmira la sensationnelle Cecilia Gasdia et un Chris Merritt déchaîné. Dans ces deux derniers opéra napolitains, Rossini est plus habile faiseur que génial inventeur.
Sémiramide pour Venise marque un indéniable renouveau d’écriture et la célébrité de cet opus est bien méritée. La version solide, virtuose et bien dirigée par Alberto Zedda, n’atteint pas l’émotion d’autres versions de studio (Horne et Sutherland) mais la prise sur le vif et les applaudissements nourris font sensation ! Et Les aigus de Grégory Kunde sont très excitants, d’avantage que le chant un peu sage des dames.
L’ Assedio di Corinto est en fait une véritable pépite. Sans s’occuper des versions diverses, siège de Corinthe, siège de Granada, Maometto II, cette version-çi contient de véritables merveilles avec en particulier un troisième acte sublime de tout en tout. La magnifique voix de Shirley Verrett dans un ambitus incroyable soutient le drame et avec une énergie farouche fait de Neocle une composition de héros inoubliable. Toute la distribution (Sills et Diaz en particulier) tient son rang au zénith et la direction de Schippers est drame profond et énergie vive.
Avec le Comte Ory en français dans la version de Vittorio Gui nous retrouvons la théâtralité et la folie drôle de sa Cenerentola. La qualité de la direction est enthousiasmante dans les grands ensembles et la distribution est solide. Un petit coté suranné convient pas si mal à cette histoire sinon démodée du moins improbable.
La version de Guillaume Tell choisie est historique avec Caballe, Gedda et Bacquier ayant chacun marqué leur rôle. La direction efficace de Lamberto Gardelli sans finesse stylistique nous entraine vite et loin dans cette partition fleuve sans lendemain.
Le Stabat Mater est de grande classe avec une distribution de braise : Anna Netrebko, Joyce Di Donato, Lawrence Brownlee et Ildebrando D’Arcangelo, le choeur et l’orchestre de l’Académie Santa Cecila de Rome d’une ductilité totale sous la direction pleine d’esprit et aux phrasés subtiles d’Antonio Pappano. La « Petite messe » par le même chef est également parfaite. De même que la Messa di Gloria.
Pour terminer le coffret en beauté ce sont de nombreux récitals qui nous sont offerts. Car Rossini c’est le culte des voix belles et aux possibilités poussées à dépasser toutes normes. Ainsi Joyce Di Donato, Marilyn Horne, Rockwell Black( quatre CD) , Nicolas Ghiuselev et tant d’autres font étal de leurs voix incroyables et de leur technique hors du commun. Si un seul récital doit être retenu comme consubstantiel du génie de Rossini je crois que Joyce Di Donato dans son hommage à Colbran la muse de Rossini, est inoubliable. La voix est somptueuse le drame de chaque mot irradie d’intelligence, mais surtout des phrasés souples comme un félin et une précision de vocalises d’horlogerie suisse sont un sommet inégalé. Puis quelques pièces instrumentales et des pêchers de vieillesse complètent un portrait varié sans rien ajouter au génie de Rossini.
Voici un grand et beau coffret qui met bien en valeur les voix rossiniennes et tout un pan du répertoire du cygne de Pesaro, certes non exhaustif, mais tout à fait significatif et pour un prix très attractif.
Hubert Stoecklin
Coffret de 50 CD Warner Classics : 190295611156. Compilation de 2018. Stéréo principalement. Durée totale 53h20m.