Pour son nouveau roman, Etat d’ivresse, publié aux Editions Noir sur Blanc, Denis Michelis plonge dans les excès d’une mère à la dérive. Une vraie réussite littéraire.
Il s’agit du troisième roman de Denis Michelis. Un roman incisif qui décrit la descente aux enfers d’une femme alcoolique et paranoïaque. Le livre commence un lundi. Une femme parle, elle est seule, elle a peur, elle a l’impression qu’on la suit, qu’on la guette, ou peut-être pas. Le lecteur débarque dans les pensées de cette femme qui de toute évidente divague, ne va pas bien. Puis le fils, Tristan, entre en scène. Il pose des questions, s’énerve et énerve la mère. Pour qui se prend-il ? C’est elle la mère après tout ! Le problème, c’est que celle-ci ne voit pas dans quel état elle se trouve. Un état d’ébriété sans cesse plus inquiétant.
Durant toute la semaine, Tristan et sa mère vivent en huis clos. Ils attendent le retour du père qui pourrait, une bonne fois pour toute, prendre les choses en main. Mettre fin à un calvaire et une situation de plus en plus intenable. L’attente se fait chaque jour plus grande.
Plongée dans les abîmes
La situation se dégrade et dégénère de plus en plus. Entre le fils et la mère, on l’a déjà dit. Mais aussi avec la voisine, Célia, ancienne amie de la narratrice – on comprend vite pourquoi – qui devient une sorte d’obsession. Célia est observée, suivie, détestée, car elle la nargue avec sa voiture. Une voiture qui pourrait aider la narratrice à aller jusqu’au supermarché afin d’acheter de l’alcool. La mère devient complètement hystérique lorsqu’il s’agit d’observer et d’analyser les choses autour d’elle. Elle vit dans sa propre réalité qui est totalement déformée. Pour couronner le tout, elle perd aussi son travail de rédactrice à cause de ses retards et des sujets délirants qu’elle propose à son chef.
Bref, on l’aura compris, rien de bon ne peut surgir de cette situation vouée à l’échec et à la surenchère de drames. Et pourtant, Denis Michelis expose la situation avec beaucoup de brio. Il crée une atmosphère enveloppante qui nous immerge dans cette semaine infernale. On retrouve les ressorts du roman noir et du drame domestique avec toutes les qualités que l’exercice de style suppose. Enfin, c’est un texte très rythmé et qui n’est pas dépourvu d’ironie et de légèreté. Le personnage principal provoque certains rictus lorsqu’elle décrit comment la maison semble se mouvoir autour d’elle, lorsqu’elle met en place des stratagèmes absurdes pour acheter des mignonettes – joyaux absolus qui peuvent se dissimuler partout – ou bien lorsqu’elle se retrouve dans un petit commerce de proximité qu’elle méprise car mal fréquenté. On sourit et on accompagne ses pensées totalement loufoques.
Denis Michelis signe un huis-clos passionnant qui se lit avec beaucoup d’intérêt et où la violence et la déchéance ne sont jamais gratuites. En somme, un texte certes court mais très dense qu’on ne lâche pas une seule seconde.
Denis Michelis, Etat d’ivresse, Editions Noir dur Blanc, 180 p.
Photo : Denis MICHELIS © Marc Melki