Cette année, les théâtres toulousains sont à l’heure grecque. Les mythes fondateurs de l’art tragique sont mis en scène de nombreuses fois. Les Bacchantes, une pièce d’Euripide, est jouée par la Compagnie du Hasard Objectif. En un mot : foutoir.
Les façades et les vitres du théâtre Sorano sont remplies de mots et de visages, tracés à la peinture blanche, par des élèves de l’école des Beaux-Arts. Le spectateur est surpris, lorsqu’il arrive sur le parvis. Que va-t-il donc se passer, ici, ce soir ?
L’atmosphère reste étrange, quand la représentation débute. Deux hommes jouent de la basse et de la batterie, une femme est plantée derrière un micro. Le plateau est plongé dans la pénombre. La musique fascine le spectateur, qui se laisse presque hypnotisé par les déhanchés spasmodiques des comédiens qui les ont rejoints. L’énergie qui se dégage de la scène est forte et laisse bouche bée.
Les coulisses sont d’un côté et de l’autre du plateau – alors les changements de costumes se font à la vue des spectateurs. Au fur et à mesure que l’intrigue se déroule, la scène est de plus en plus jonchée de matières en tout genre : grains de raisins (« la vigne qui calme la souffrance« ), farine, terre, liquides. C’est le foutoir. S’ajoutent à ça des jeux de lumières, souvent très claires, et des projections de volutes de fumée. C’est presque un organisme vivant que le spectateur regarde.
Heureux celui dont la vie s’écoule au jour le jour.
La richesse principale de ce spectacle réside dans l’atmosphère qu’il crée. Il y a de la démence, du psychédélisme, un ensemble qui a à voir avec un rite païen, l’invocation ou l’incantation. Ce que l’on voit est impressionnant – des scènes fortes restent dans le crâne. Le spectateur irrité par le boucan et les éclairs de lumières risque d’être agacé.
Quelques choses posent problème. Les deux musiciens sont en-dehors du spectacle, dans la mesure où ils sont comme invisibles aux yeux des autres personnes sur le plateau. Cela casse une part de l’univers créé par la troupe. D’autre part, l’effervescence se perd parfois et le drame s’évanouit, dans des temps morts qui laissent le spectateur sur sa faim.
Qu’est-ce que c’est que ce spectacle ? La musique est fortement présente – n’est-ce pour autant qu’un concert de rock ou de spoken word ? Le jeu des comédiens réjouit, ils restituent le texte très clairement – cela devient-il alors une pièce de théâtre ? Convient-il plutôt de parler de concert théâtral ? Le plateau du théâtre Sorano continue d’accueillir des œuvres difficilement définissables. Un témoignage de plus de l’affaissement des frontières entre les formes artistiques.
Les Bacchantes – Compagnie du Hasard Objectif – Sara Llorca (mise en scène)