Une rétrospective des films de Sacha Guitry est à l’affiche de la Cinémathèque de Toulouse.
Les images de son premier film sont un incontournable de toute exposition présentant des œuvres d’Auguste Rodin, Claude Monet, Auguste Renoir ou Edgar Degas : Sacha Guitry les a filmés au travail dans « Ceux de chez nous », documentaire où se côtoient les plus grands artistes des années 1910. En homme de théâtre, Sacha Guitry déclare alors: «Parmi les ennemis de l’art dramatique, le plus dangereux, peut-être, est à mon sens le cinématographe». Ce n’est que vingt plus tard qu’il se décide à réaliser et jouer lui-même dans les adaptations qu’il signe de ses pièces pour le grand écran. « Pasteur » inaugure la liste, en hommage à son père, Lucien Guitry, qui avait joué dans la pièce retraçant des épisodes de la vie du célèbre scientifique. Il enchaîne aussitôt avec une série de comédies légères : « Le Nouveau Testament », « Mon père avait raison », « Faisons un rêve » (1936), « Désiré » (1937), « Quadrille » (1938), etc. Des films affublés de pétillantes intrigues habilement ficelées et de dialogues exquis portés par des acteurs dirigés à la perfection.
Au cours de cette période, il filme également deux pépites à partir de scénarios originaux, « Bonne chance » et « Ils étaient neuf célibataires », et adapte un roman dont il est l’auteur, « le Roman d’un tricheur » (1936), montrant ainsi qu’il est un grand cinéaste et non un simple maître du «théâtre filmé», comme on le qualifia trop longtemps. Il fait notamment preuve d’une ingénieuse inventivité dans « le Roman d’un tricheur » (photo), œuvre sans dialogue portée par la voix off d’un héros totalement amoral. L’immoralité se faufile au fil des années dans l’œuvre de Guitry, qui trouve parfois l’inspiration en fréquentant les personnages aux ambitions peu recommandables : « La Poison » (1951) décrit comment assassiner sans risque son épouse, « la Vie d’un honnête homme » (1953) est l’histoire d’une usurpation d’identité, « Assassins et voleurs » (1956) est la rencontre d’un assassin avec celui qui a été condamné à sa place, etc.
Avec 124 pièces, 36 films et une multitudes d’écrits à son actif, Sacha Guitry pratique par ailleurs le journalisme et la caricature, s’essaye à la publicité, fréquente régulièrement les studios de la radio, puis de la télévision. Son sens éblouissant du récit fait merveille dans une série de films historiques où sa voix, souvent présente dès le générique, guide le spectateur dans les couloirs fantaisistes de l’Histoire. En 1938, « Remontons les Champs-Élysées » raconte les transformations de la célèbre avenue parisienne à travers les siècles, « le Destin fabuleux de Désirée Clary » (1941) est ensuite pour lui l’occasion de jouer Napoléon Ier, puis il se glisse dans la peau de Talleyrand dans le magnifique « Diable boiteux » (1948), avant de se lancer dans ses trois productions les plus spectaculaires: « Si Versailles m’était conté… » (1953), « Napoléon », « Si Paris nous était conté » (1955).
Le théâtre et ceux qui le fabriquent est aussi pour lui un sujet en or : il relate la vie de la célèbre cantatrice dans « la Malibran » (1943), s’attache à la personnalité du célèbre mime dans « Deburau » (1951), et à celle de Lucien Guitry dans « le Comédien » (1948). Le plaisir du jeu irradie les œuvres de Sacha Guitry, et « le Comédien » est exemplaire à cet égard, puisqu’il y interprète, parfois dans la même scène, le rôle de son père ainsi que son propre rôle !
En bon auteur de comédie, Sacha Guitry excelle à brouiller les pistes et les identités de ses personnages : « Toâ » (1949) est le portrait d’un auteur enchaînant les succès avec des pièces qu’il interprète lui-même, et dans lesquelles il transpose sa vie privée et ses aventures amoureuses ; dans « la Vie d’un honnête homme » (1953), il offre deux rôles à Michel Simon, ceux de jumeaux dont l’un tentera de se faire passer pour l’autre à la mort de son frère ; « Les Trois font la paire » (1957) met en scène deux jumeaux s’accusant chacun du même crime commis par leur sosie… Coréalisé avec Clément Duhour, ce film sera son dernier. Sacha Guitry meurt à Paris, en juillet 1957. La Cinémathèque de Toulouse propose de redécouvrir ses films, le temps d’une rétrospective de 23 films.
Jérôme Gac
pour le mensuel Intramuros
Cinémathèque de Toulouse
Rétrospective Sacha Guitry
du 19 février au 20 mars 2019