Il est des Toulousains, même d’adoption qui comptent dans la vie d’une cité, Hubert Chevallier en fait indiscutablement partie. Il travaille dans une branche d’activité aussi indispensable à l’économie que largement vilipendée. Né à Saint-Quentin dans les Hauts de France, ce descendant d’une famille de longue date bien ancrée dans la vie rurale, se rêvait Commissaire de police dans la Brigade criminelle. Son envie d’indépendance financière après ses études de droit à Lille, le pousse à envoyer une lettre de demande d’emploi à BNP Paribas. Heureuse époque. Exit le Quai des Orfèvres, il intègre immédiatement la succursale de cette banque à Roubaix. Nous sommes en 1985. Cinq ans après, direction la capitale et le début d’une carrière itinérante propre à ce métier.
Depuis 2013 Hubert a posé ses valises à Toulouse où il est responsable de toute l’activité BNP Paribas Retail intramuros toulousain. Il dirige ainsi une équipe de quelque 100 personnes. Le droit mène à tout dit-on et il n’y a rien de plus vrai car à l’intérieur de BNP j’ai fait bon nombre de métiers différents et surtout celui d’inspecteur à l’Inspection générale.
Ce n’est pas pour autant qu’il est aveuglé par de telles responsabilités. Bien au contraire ! Son regard sur la banque est sans équivoque quant à la lucidité de sa réflexion.
Il nous faut redessiner l’image de la banque et la rendre plus attractive à l’extérieur. Jadis la banque jouissait d’un statut particulier de monde peu transparent, peu ancré dans la vie réelle et dans le quotidien de ses clients avec parfois une posture de « sachant » exacerbé et même une image de supériorité. L’économique primait alors sur la solidarité et le social.
Aujourd’hui le monde a changé: le consommateur ne subit plus le changement, il devient son propre acteur et fait ses propres choix. Il compare, sélectionne et achète comme il veut en faisant plus jouer la concurrence. Il négocie et surtout zappe et devient « infidèle » si la banque n’est pas suffisamment à son écoute.
A l’inverse, quand le client est satisfait, il devient un formidable atout en nous recommandant auprès de sa famille et/ou ses amis. N’oublions pas non plus l’essor du Digital qui a amplifié les offres et démultiplié les possibilités. On n’implante plus les agences aujourd’hui comme il y a vingt ans. La clientèle ne vient plus automatiquement, il faut être davantage à l’écoute de ses besoins et surtout aller vers elle, d’autant que la banque à distance s’est littéralement envolée. On est dans une situation de partage, gagnant-gagnant. Les structures qui ne comprennent pas cette philosophie sont vouées à l’échec. L’autre mutation du secteur est qu’il faut arrêter de ne parler que finance avec nos clients. C’est formidable et valorisant d’être un spécialiste dans notre domaine, mais aujourd’hui les valeurs que l’on doit partager avec nos clients sont les mêmes que celles que l’on peut être amené à partager avec ses amis.
Quand la crise des banlieues devient le formidable catalyseur d’un virage radical. Il faut impérativement humaniser notre relation. Je peux vous dire que c’est un effort colossal que nous sommes en train de faire depuis plusieurs années. C’est un virage radical de confiance et d’image que nous avons pris dans les années 2005/2006 à la suite de la crise des banlieues. C’est alors que notre président de l’époque, Michel Pébereau, a décidé d’apporter son soutien en particulier à ces jeunes en difficultés. Petit à petit nous avons ouvert nos yeux et nos oreilles. Nous sommes sortis de notre ghetto, tout recroquevillés sur nous-mêmes que nous étions. Concrètement, cela veut dire qu’en discutant avec des entreprises de toute taille, des sujets sociétaux sont apparus. Il n’était plus question seulement de produits, d’expertise, de conseil. Et voilà comment sont nés les projets banlieues, un mouvement très ancré aujourd’hui dans les équipes de BNP Paribas. Formellement nous aidons des associations locales à organiser lesdits projets avec notre appui financier, logistique, technique, un appui aussi de mécénat de compétence. Dans ce cadre nous avons débloqué, en France, 3,5 millions d’euros depuis une dizaine d’années. Dans mes activités professionnelles et personnelles je gère es qualité un certain nombre d’associations. Nous travaillons en permanence avec une quinzaine d’entre elles sur les vingt et unes que nous avons aidées afin d’organiser des sorties pour des gamins, acheter du matériel, trouver le moyen de s’évader du « quartier », en particulier celui du grand Mirail.
C’est la Fondation BNP Paribas qui chapeaute l’ensemble de ces activités. C’est elle qui distribue l’argent soit aux associations, soit à des collèges en zone sensible afin que ceux-ci permettent à leurs élèves de monter des projets scolaires, etc. Le financement de cette Fondation est totalement en provenance de BNP Paribas qui chaque année alloue une somme à ses activités. Au départ la Fondation était connue pour son mécénat médical et musical. Il demeure mais aujourd’hui nous avons ouvert tout un volet sociétal et entrepreneurial. Cela se fait en partie en collaboration étroite avec les collectivités territoriales locales. Un exemple, entre autres, depuis quelques semaines nous avons signé un accord mettant en place une application au service des collégiens de troisième en recherche d’un stage. Cette année et l’année prochaine nous leur offrons 50 stages/an. Notre réseau de clientèle entreprise est évidemment partie prenante dans cette opération.
Voilà pour le personnage officiel. Mais si l’on est un peu plus curieux… Je suis d’origine paysanne. Mes parents m’ont vite habitué à voir beaucoup de gens, j’ai aussi été scout, une expérience qui m’a énormément marquée car elle m’a appris l’entraide et le partage. Pour la petite histoire je suis aussi officier supérieur de réserve, ce n’est pas un hasard. Je suis aussi parrain de l’Association Nos Quartiers ont du Talent. Je pourrais vous citer ainsi de nombreux exemples de mon engagement dans la vie toulousaine, tel que celui dans la Fondation Toulouse Cancer Santé, mais également Aïda, le Cercle du Musée des Augustins très récemment et bien d’autres. J’ai la grande chance dans mon travail de pouvoir mener de front tous ces engagements. J’y prends un réel plaisir. J’ai pratiqué du taekwondo et obtenu ma ceinture noire en 2013. Je fais aujourd’hui du vélo et de la course à pied, de la randonnée aussi ce qui me procure un équilibre personnel qui me permet d’exercer toutes mes activités.
Des activités qui n’empêchent pas cet optimiste forcené, au contraire faut-il penser, de jeter un regard plein d’inquiétudes sur notre temps. Si le populisme oppose les mondes en creusant l’écart entre les politiques et le peuple, je crains que notre monde ne dérive encore plus vers moins d’égalité et plus d’injustice sociale. L’extrême n’a jamais rien donné de bon pour la démocratie. Le remède le plus approprié passerait, à mon sens, par une mixité plus large dans le sourcing des élites politiques qui nous gouvernent: une parité entre femmes et hommes du monde civil et femmes et homme du monde politique.
Et si, pour finir, nous parlions culture. Je ne peux m’empêcher de citer un proverbe africain qui dit qu’ « un homme sans culture, c’est comme un zèbre sans rayures ! ». C’est dire la pertinence, l’absolue nécessité de cette quête incessante pour l’humanité que d’acquérir la culture par la connaissance de ce qui nous entoure et de ce qui a existé. Les pouvoirs publics investis d’une autorité déléguée par les peuples se doivent de redonner aux femmes et aux hommes l’accès le plus large possible à toutes les formes de culture. C’est d’ailleurs cela qui permet à la femme et à l’homme de s’émanciper et de grandir dans une société de partage.
Non seulement la culture cimente les couches sociales d’une société mais permet leur porosité et donc l’ascension sociale de celles et ceux qui le désirent. Un robinet de subventions publiques en faveur de la culture et de ses institutions qui se tarirait serait, sans nul doute, le signe affiché d’un début de déclin d’une nation.
Propos recueillis par Robert Pénavayre
Fondation BNP Paribas
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photos © Pierre Beteille / Culture 31