Sur la scène du théâtre Sorano est joué le Rosaire des voluptés épineuses. Georges Lavaudant en est le metteur en scène. Tenez vous à quelque chose de stable, le spectacle file entre les doigts.
Ne rien comprendre à un spectacle. N’être enthousiasmé par rien de ce qu’il s’y passe. Parfois, ça arrive. Qu’en penser ? Être éblouis par la virtuosité d’une écriture énigmatique ? Rester froid face à des répliques dénuées de sens ? C’est, en partie, ce qui se joue, ici. Georges Lavaudant, grand homme de théâtre, met en scène des textes de Stanislas Rodanski, poète lyonnais interné dans un hôpital psychiatrique durant le siècle dernier. Gare au spectateur jeune, débutant, néophyte. Sa tâche, maintenir pleinement son attention, demande de l’exigence.
[…] nous nous trouvons confrontés à plusieurs énigmes qu’il nous faut déchiffrer – parfois même accepter de laisser irrésolues. [Georges Lavaudant, Note d’intention]
Le comptoir d’un bar s’étend d’un bout à l’autre de la scène. Les comédiens s’assoient devant, se postent derrière, s’en éloignent. Un homme parle, et parle, et parle, et parle. Il y a peu de jeu. C’est un hôtel. Lancelot, un poète-criminel, vient d’empoissonner son amie érotique (selon le mot de Milan Kundera). Une femme entre. C’est la Dame du Lac, ou alors la Mort. Et ils conversent. Il n’y a pas d’événements autre que cette longue déclamation. Quelque chose refuse d’être saisi.
L’atmosphère est étrange. La salle et le plateau sont plongés dans un noir, presque complet. Les comédiens se meuvent avec délicatesse, en suivant une espèce de lente chorégraphie. Tout ce que l’on voit est drapé d’irréel. Il se dégage une certaine beauté de cet ensemble, légèrement habillé de sons artificiels.
Qu’en dire ? Le spectateur qui ne connaît ni Stanislas Rodanski, ni Georges Lavaudant, ne comprend – presque – rien. Que devient un spectacle qui ne s’adresse qu’à des avisés et des connaisseurs ? Qu’est une pièce qui reste muette quand elle est en face d’ignorants et naïfs ? Il n’est pas évident de se situer. Le metteur en scène ne prend pas le public pour un rassemblement d’idiots. Mais après ? Il ne demeure qu’une certitude : il vaut mieux assister à une représentation que de rester à l’intérieur d’un appartement.
photos : Marie Clauzade
théâtre Sorano
Le rosaire des voluptés épineuses
Stanislas Rodanski / Georges Lavaudant • Compagnie LG
mercredi 30 et jeudi 31 janvier 2019