Le sérieux du protestantisme allemand dans la luxuriance italienne des Carmélites de Toulouse : quel contraste !
La jolie saison de musique en dialogue aux Carmélites à l’initiative de Catherine Kaufmann Saint Martin, qui le temps d’une été réveille la délicate Chapelle des Carmélites de Toulouse, se terminait ce dimanche par un concert de grande tenue.
Si Gilles Catagrel n’a pas failli à son rôle d’érudit, lui qui a écrit de nombreux ouvrages sur Bach. Il a toujours gardé élégance et un certain panache mais il a semblé un peu sentencieux et top peu synthétique dans sa présentation du Voyage à Lübeck, se perdant dans ses digressions. A mon gout il fait du jeune Bach un homme déjà mur et sérieux alors que l’anecdote est tout à fait causasse. A peine engagé pour son premier poste, à tout juste 20 ans, Bach s’échappe quatre mois et revient la tête haute, disant avoir « appris bien des choses utiles à son art » comme toute excuse. Certes la rencontre avec Buxtehude a été historique mais dans la grande effervescence entourant l’organisation gigantesque des fêtes de Lübeck organisées par Buxtehude il n’ y a pas eu que des discussions sérieuses entre les très nombreux musiciens.
Le pendant entre la musique de Buxtehude et de Bach est très souvent mis en valeur dans les concerts. C’est en tous cas avec plaisir que l’écoute des cantates des deux grands maitres allemands permet des rapprochements féconds. Jean-Marc Andrieux avec ses amis musiciens des Passions a su crée un écrin parfait pour les quatre chanteurs. Ceux ci très impliqués tant musicalement que dramatiquement ont su faire passer cette importance du texte dans ces Cantates. Car c’est bien là la révolution spirituelle du protestantisme qui permettait aux fidèles non lettrés de comprendre dans leur langue vernaculaire la liturgie directement et non le dans le latin habituel dans la musique de la contre-réforme. Au niveau vocal la soprano Anne Magouët et le ténor Sébastien Obrecht sont admirables avec une projection vocale aisée et des belles couleurs. Leur chant très nuancé a fait merveille. L’alto Pascal Bertin a malheureusement parfois disparu au sein du quatuor et des instruments. La basse Stephan Imboden a convenablement assuré sa partie sans jamais faillir.
La Cantate BWV 4 a été en fin de concert le moment le plus abouti car cette cantate de jeunesse est prodigieuse d’invention. Cette très belle version chambriste à un par voix a été dirigée avec probité, nuances et élégance par Jean-Marc Adrieu Bach a su au sein du cadre de la Cantate Choral, car le thème est présent dans chaque verset, diversifier à l’infini la beauté du chant humain habité par la grâce divine. L’invention de Bach au retour de Lubeck dépasse tout l’art du vieux maitre Buxtehude. Cette puissance créatrice de Bach nous savons comme ensuite elle n’a cessé de croitre pour donner un corpus gigantesque et ne s’éteindre qu’avec la mort heureusement très tardive du maitre. Son œuvre demeure une somme musicale à la gloire toujours renouvelée. Le public a été ravi de voyager dans l’Allemagne de la réforme avec sa musique si riche. Un petit pied de nez situant ce concert dans la chapelle la plus ornée et la plus italienne de Toulouse, que certains nomment la petite Sixtine … et dans une chaleur estivale et étouffante.
Compte-rendu concert. Toulouse ; Chapelle des Carmélites, le 24 septembre 2018 ; Festival Musiques en dialogue aux Carmélites : le Voyage de Bach à Lübeck. Johann Sebastian Bach (1685-1750) : Der Herr denket an uns BWV 196 ; Christ lag in Todesbanden BWV 4 ; Dietrich Buxtehude (1637-1707) : Herren war Gud BuxWV 40 ; Jesu meines Lebens Leben BuxWV 62 ; Walts Gott meine Werk ich lasse BuxWV 103 ; Gilles Cantagrel, narrateur ; Les Passions-Orchestre Baroque ; Anne Magouët, soprano ; Pascal Bertin, alto ; Sébastien Obrecht, ténor ; Stephan Imboden, basse ; Jean-Marc Andrieu, direction.
Photos JJ Ader