Compte rendu concert. 26 ième Festival de Musique de Chambre de Salon de Provence. Salon de Provence, Château de l’Empéri, 1er Aout 2018. Schumann. Bernstein. Beethoven. Brahms. Meyer. Lomeiko. Bohorquez. Le Sage. Couteau.
Le troisième concert du Salon de Musique à l’Empéri a manqué d’avorter sous la pluie mais la remarquable réactivité de chacun a sauvé les instruments des effets de l’humidité et le public a pu regagner ses places sans mal, l’orage passé. Le concert n’en a été que plus intense.
Programme varié mêlant bien des styles et des configurations. Les pages à quatre mains de Schumann sur des images orientales sont en fait peu exotiques mais très belles. C’est un admirable mélange de nuances, d’émotions et de style parfaitement assumé, comme Schumann en a le secret. Les deux pianistes ont su avec élégance laisser la musique se développer au grée des pensées. Geoffroy Couteau à la basse a mis en valeur la profondeur harmonique avec de belles couleurs. Plus léger Eric Le Sage a gardé un son pur et assez droit. L’équilibre a très bien fonctionné et la diversité de la partition a permis une entrée agréable et progressive dans l’écoute musicale.
Puis la rare sonate pour Clarinette de Leonard Bernstein a permis la poursuite vive et stimulante de l’écoute. Cette partition post romantique est légèrement pimentée rythmiquement et harmoniquement. Elle met particulièrement en valeur les qualités de charme de la Clarinette et une virtuosité généreuse en effets bien venus mais toujours savoureux. Il y a dans cette première partition publiée de Bernstein, l’amour que d’autres compositeurs ont éprouvé pour l‘instrument, mais dans le cas du flamboyant compositeur américain il persiste quelque chose de l’amour pour le clarinettiste dédicataire de l’œuvre, aimé follement.
Le trio de Beethoven est une adaptation de la main du maitre de son sextuor avec clarinette, basson et cordes. Le succès de cette adaptation a été fulgurant et Beethoven lui même en a été agacé. Pourtant il faut reconnaître qu’à travers le temps cette œuvre garde beaucoup de séductions. Ce soir les trois musiciens ont acquis une très belle complicité qui conduit à une interprétation irrésistiblement séduisante. La composition encore très classique de Beethoven convient particulièrement à Eric Le Sage. Son jeu très structuré, ferme impeccable convient à merveille dans la belle partie pianistique de ce trio. Son jeu s’épanouit dans la tenue parfaite qui est la marque du pianiste. La Clarinette de Paul Meyer a toute l’élégance et la délicatesse requise. Les nuances sont renversantes de sensibilité et de classe. Le légato est un véritable rêve de bel canto. Au violoncelle Claudio Bohorquez est parfait d’intelligence musicale et d’humour. Dans les parties pleines d‘esprit il est remarquable de présence chaleureuse et amusée. Un grand artiste lui aussi qui se réjouit en jouant avec une sorte d’insouciance de pur bonheur.
L’interlude de la pluie loin de paniquer les artistes les amuse et ils reprennent le trio ou ils l’avaient laissé sans le moindre effort. Tout nous paraît encore plus précieux ensuite. L’écoute en plein air avec cette qualité acoustique et ce bien être reste un très grand atout de ce beau festival.
En deuxième partie de concert le grand trio de Brahms va nous amener sur des sommets d’émotion. La violoniste Natalia Lomeiko rejoint Claudio Bohorquez et Geoffroy Couteau. Le pianiste qui nous disait vouloir enregistrer la musique de chambre avec piano de Brahms tient là deux collègues parfaitement adaptés à son jeu si profond. Car c’est la texture harmonique rendue à sa véritable puissance que le piano de Geoffroy Couteau nous invite. Sur cette extraordinaire structure les deux cordes peuvent chanter du plus profond de leurs âmes. Et la talentueuse violoniste sait faire chanter avec puissance, tendresse ou volupté son violon. Au violoncelle Claudio Bohorquez est la séduction incarnée. Il jubile, regarde sa partenaire souvent, et semble se faire un jeu d’enfant de sa somptueuse partie. Les grands élans romantiques sont assumés avec panache et les murmures pianissimo pleins de tendresse amoureuse. Le lien avec le piano est constant par le contact violon piano de même le lien piano violoncelle. L’écoute entre eux est permanente, émue et ne cache pas le plaisir de l’écoute de l’autre. Le jeu des trois interprètes atteint une fusion des plus chaleureuses. La passion qui émane de ce trio fait un grand effet sur le public qui fait un triomphe aux artistes. Belle rencontre qui semble très prometteuse. Nous ne pouvons qu’espérer un enregistrement prochain. Notons que la version choisie du trio est la première, la plus longue, qui est traversée par le souffle du romantisme enthousiaste de la jeunesse. Brahms avait 20 ans lorsqu’il a composé ce trio et l’a donné à éditer !
Très belle soirée musicale : le souffle du romantisme de Brahms a soufflé puissant dans la cour de l’Empéri ce soir.
Hubert Stoecklin
Compte rendu concert. 26 ième Festival de Musique de Chambre de Salon de Provence. Salon de Provence, Château de l’Empéri, 1er Aout 2018. Robert Schumann (1910-1856) : Bilder aus Osten op.66 ; Leonard Bernstein (1918-1990) : Sonate pour clarinette e piano ; Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Trio en mi bémol majeur op.38 ; Johannes Brahms (1833-1897) : Trio pour piano et cordes n°1 en si majeur op.8 ; Paul Meyer, clarinette ; Natalia Lomeiko, violon ; Claudio Bohorquez, violoncelle ; Eric Le Sage et Geoffroy Couteau, piano.