Le dernier roman de Philippe Claudel, L’Archipel du chien (Editions Stock) est à la croisée du conte et du drame humain interrogeant sur la crise migratoire. Une vraie prouesse narrative.
Les premières pages du roman nous plonge en zoom serré sur une plage quelconque, d’une île quelconque. Or l’univers de Philippe Claudel est tout sauf quelconque. Tout gagne en profondeur, suspens et originalité dès que l’on tourne les pages. Sur une plage déserte d’un archipel en forme de chien, trois corps se sont échoués. Trois africains, dénudés et dévorés par les eaux. Autour d’eux un groupe de villageois. Jamais nommés, ils sont représentés par leur statut. On a le Maire, le docteur, la Vieille, le Curé et le nouvel instituteur. La question est que faire de ces corps, arrivés d’on ne sait où et on ne sait comment ? Enfin, on comprend bien vite grâce à la description succincte de ces infortunés qu’il s’agit de migrants. Se crée alors un huis-clos entre les personnages qui décident, à l’initiative du Maire, de se taire et d’enterrer secrètement les morts. Cela n’est cependant pas au goût de l’instituteur qui préfèrerait comprendre là où les autres veulent juste oublier et retrouver leur quotidien. Seul contre tous, il se lance dans sa propre enquête, loin d’imaginer ce qu’il va découvrir.
Enquête sur le genre humain
Il suffira de l’entrée en scène d’une personne extérieure à l’île pour réaliser ce qui se trame dans ce lieu clos et étrange. Se faisant appeler le Commissaire, il se confronte au Maire. Il lui montre des photos prises le jour de la macabre découverte. Le Maire, paniqué, ne sait que faire et se confie auprès de son ami d’enfance, le docteur. Et nous ne sommes pas au bout de nos surprises. Les chapitres qui suivent sont intenses. On ne lâche plus le roman tant les découvertes et réactions humaines nous stupéfient. Philippe Claudel décrit magistralement les craintes et perversions humaines faces à l’inconnu. On n’en dira pas plus, mais ce qui est certain est qu’il est impossible de lâcher le roman tant le rythme de l’écriture est soutenu. Le style impeccable suit une introspection humaine des plus minutieuses. Ce roman se lit comme un conte. Toutefois, sous l’aspect léger de l’histoire se cache en définitive des sujets qui font réfléchir et nous restent en tête bien longtemps après avoir refermé le roman.
Sylvie V.
Philippe Claudel © DR
L’Archipel du chien, Philippe Claudel, Editions Stock, 288 p.