L’album Un ours dans ma classe ! vient de paraître aux éditions Saltimbanque, nouvelle maison fondée à l’automne 2017, du groupe de La Martinière. Il raconte l’histoire d’une amitié naissante entre un petit garçon et un nouveau camarade de classe qui n’est autre qu’un ours. Tous les deux vont apprendre l’un de l’autre, et appréhender leurs peurs respectives. Il convient pour des enfants à partir de 3 ans, et il est beau, tout simplement, et dans le propos, et dans les illustrations. Autant de plaisirs pour l’adulte à le lire que pour le petitou à le découvrir. J’ai rencontré l’illustratrice Csil et l’auteur John Lavoignat afin d’en savoir plus sur la genèse de leur livre.
Pouvez-vous vous présenter ?
Csil : Originaire des Ardennes, j’habite à Aire et travaille à Reims depuis presque 12 ans. Je me suis orientée tout naturellement vers les métiers de l’image. Après l’obtention d’un Diplôme National Supérieur d’Expression Plastique option communication, j’ai intégré une agence de communication en tant que directrice artistique. En parallèle, j’illustre des albums jeunesse et anime des ateliers.
John : Originaire de Dijon, j’habite Toulouse depuis presque 20 ans. Après une maîtrise de philosophie, j’ai fait un stage à Milan presse, puis très vite, j’ai commencé à écrire des articles et faire des remplacements comme secrétaire de rédaction. Par la suite, j’ai fini par me spécialiser dans la conception de jeux pour plusieurs magazines jeunesse : Wapiti, Wakou, Julie, Manon et Géo Ado. En parallèle, j’écris des chroniques pour le site Culture 31 à Toulouse.
Quelle a été l’idée de départ de ce projet ?
John : Je voulais parler de la différence mais de manière métaphorique, sans prendre un cas en particulier, que ce soit l’origine, la classe sociale, le handicap… Et j’avais envie de confronter deux mondes, celui de l’humain et celui de l’animal, mais en faisant en sorte que chacun garde ses propres caractéristiques. C’est pour cela que l’ours ne parle pas, même s’il fréquente une classe d’école. Je me disais qu’il y aurait moyen de créer des situations étranges et poétiques, un peu comme dans les films de Hayao Miyazaki dont je suis fan. J’ai choisi l’ours car il possède à la fois ce capital sympathie et ce côté sauvage et solitaire. Au tout départ, j’avais comme idée de parler aussi des ravages de la déforestation, puis je me suis rendu compte qu’il valait mieux me concentrer sur une seule idée. Je n’allais pas écrire une thèse non plus (rires) !
Combien de temps t’a-t-il fallu pour écrire le récit en entier ?
John : L’écriture en elle-même, peu de temps. Quelques jours. Mais c’est surtout le travail en amont, qui précède l’écriture, qui est long : trouver l’idée, la trame, la composition des doubles-pages, les rebondissements, la chute… L’étape avant l’écriture m’a pris environ quatre mois. Il fallait que je me rende disponible aux idées. Ne rien faire de particulier pour ça. Attendre et laisser vagabonder mon imagination. Une fois que j’avais tout en tête, je l’ai couché sur le papier.
Comment Csil est-elle venue sur le projet ?
John : L’agence de création et conseil Okidokid, qui avait accepté de défendre mon texte auprès de certains éditeurs, m’a suggéré cette illustratrice. Je suis allé voir son book en ligne puis ses ouvrages en librairie. Et j’ai vu que le New York Times, en 2015, avait classé l’un de ses livres, Mme Eiffel (Editions Frimousse, février 2015), parmi les dix meilleurs ouvrages jeunesse. Là, je me suis dit que c’était elle qu’il me fallait (rires).
Qu’est-ce qui t’a plu dans cette histoire ?
Csil : Mon ressenti est simple : lorsque j’ai lu pour la première fois le texte de John, j’ai été séduite par sa jolie façon d’écrire, tout en délicatesse, par cette histoire singulière, tendre, poétique et drôle. J’ai aimé cette intrusion de ce gros bel ours dans une école et l’amitié improbable entre un ours et un petit garçon, cette cohabitation du monde animal et du monde humain comme il dit.
Comment as-tu adapté ton univers à ce texte ?
Csil : Je ne me suis pas vraiment adaptée. Enfin, je n’ai pas eu le sentiment d’avoir à le faire. Il n’y avait pas d’obstacles ou de difficultés, à mon sens, pour faire cohabiter nos deux univers. Quant à mes outils, des matériaux très simples, une trousse d’école un peu plus professionnelle et encore (sourire).
Qu’as-tu aimé dans ses illustrations ?
John : Son trait, proche des dessins que peuvent faire les enfants, mais avec l’assurance et la maîtrise en plus bien sûr. Un peu comme si ses années d’apprentissage lui avaient permis de replonger dans l’enfance avec des outils et des compétences l’aidant à mieux retranscrire l’émotion de ce temps-là. Et puis, cette tendresse qui émane de ces personnages. Je trouvais que son univers proche de l’enfant collait bien avec la voix intérieure du petit garçon de mon texte.
Combien de temps t’a-t-il fallu pour illustrer ce récit ?
Csil : Franchement, je ne sais pas. Lorsque je dessine, le temps s’arrête. Et je me déconnecte trop du monde réel pour pouvoir l’associer à un travail, une tâche à accomplir avec ses obligations. Quantifier mon travail est impossible, et je n’ai même pas envie de le faire. Sans compter que d’une double-page à l’autre, ça varie énormément. En gros, il y a eu six mois entre les premiers crayonnés et le rendu définitif.
As-tu rencontré des difficultés ?
Csil : Oui ! Mais essentiellement axées sur l’ours et ses mises en situation. Je n’en n’avais jamais dessiné avant, l’angoisse totale. Sans compter qu’il fallait qu’il soit différent de tous les autres ours qui existent déjà dans les autres albums jeunesse (sourire).
Une fois les illustrations finies, que te restait-il à faire ?
John : Après avoir mis en page les illustrations de Csil, l’équipe d’Okidokid m’a demandé de retravailler le texte pour lui donner plus de dynamisme, pour qu’il colle mieux aux images. On a raccourci quelques phrases, allégé quelques tournures et surtout, supprimé les indications de mon texte qui n’avaient plus lieu d’être puisque l’illustration les donnait à voir.
Qui a décidé qu’il y aurait du texte manuscrit ?
Csil : Je crois que c’est moi mais j’ai un doute. C’est mon écriture. Je n’aime pas trop les typos faussement manuscrites, autant la faire soi-même pour le coup. Et puis comme ça, il y a une cohérence entre la typo et l’image, elles ont le même « style » graphique.
Vos projets ?
Csil : J’aimerais réaliser ma première exposition mais bon, ça va prendre un peu de temps. Et puis surtout, continuer à faire des albums et des ateliers. Le contact, l’échange avec les enfants est très important.
John : Écrire d’autres albums. Je planche sur une autre histoire, je vous donne un indice : il est rouge, avec une longue barbe blanche (sourire).
Retrouvez l’univers de Csil sur son site http://www.csil.graphics/ et sur son compte instagram.
Un ours dans ma classe ! album de 40 pages, à partir de 3 ans, Saltimbanque Editions