Il y a dans l’entrée en scène de Vadim Repin et Tugan Sokhiev quelque chose de princier chez les deux musiciens, le premier plus lointain, le second très ouvert à la communication. Avec le Concerto de Glazounov, Vadim Repin domine sans aucune hésitation dès ses premières notes, une partition fleuve ouvrant le romantisme et les thèmes d’allure populaire vers la musique de film dans une hybridation complexe toujours très séduisante. L’orchestration est riche, les nuances sont subtiles. Les mouvements s’enchaînent sans rupture de continuité. La cadence est intégrée avec beaucoup de naturel et réalisée à la perfection.
Vadim Repin semble vivre la musique dans le même souffle que Tugan Sokhiev ; le soliste écoute avec attention les musiciens de l’orchestre, les moments chambristes ont la souplesse attendue. Pourtant, il y a dans le jeu de Vadim Repin comme une distance, une retenue singulière. Oui, comme un prince superbe qui se sentirait un peu seul. En bis l’orchestre et le soliste ont préparé un grand solo du Ballet Raymonda, toujours de Glazounov. Un peu plus de chaleur anime le jeu du soliste, quand la direction de Tugan Sokhiev se fait plus sentimentale dans cette page romantique.
En deuxième partie de concert, poursuivant son intégrale des symphonies de Chostakovitch, Tugan Sokhiev et l’Orchestre du Capitole semblent décoller vers les cimes. La symphonie n°12, est une oeuvre de commande du régime soviétique à la gloire de Lénine, est empreinte de grandeur, avec une science de l’écriture confondante, mais il a une sorte d’ironie secrète qui sourde par moments. Tugan Sokhiev sait à ravir doser dans une grandeur spectaculaire des pointes de distanciation ironique. Les musiciens de l’orchestre sont tous admirables de couleurs, de timbres, de précision. On ne peut rêver orchestre plus à l’aise dans la musique de Chostakovitch hors de Russie.
Le travail régulier avec Tugan Sokhiev permet une sorte de familiarité et d’évidence qui fait merveille dans cette musique très construite. La plus grande complexité est ici pure beauté et le public est subjugué ; il réserve un triomphe au chef et à l’orchestre. Mais il n’y aura pas de bis après ce triomphe car tous doivent s’envoler pour Paris où le lendemain soir le même concert enflammera la grande salle de la Philharmonie. Diffusé depuis sur le net, le concert a été retransmis en direct et peut se visionner : nos impressions toulousaines se confirment. Sokhiev et Repin sont deux princes. Et en raison de la taille de la salle et de son acoustique si belle, les nuances de l’orchestre dans la symphonie de Chostakovitch semblent décuplées à la Philharmonie de Paris. Et deux bis magnifiques récompensent l’enthousiasme du public parisien.
Hubert Stoecklin pour Classiquenews.com
Compte-rendu, concert. Toulouse. Halle-aux-Grains, le 5 mars 2018. Glazounov. Chostakovitch. Vadim Repin, violon ; Orchestre National du Capitole de Toulouse. Direction, Tugan Sokhiev.