Compte-rendu opéra. Toulouse. Capitole, le 25 février 2018. Gluck : Orphée et Eurydice. Les Talens Lyriques.
L’affiche était singulière pour un opéra présenté au Capitole, même en version de concert : Christophe Rousset, installé cavalièrement sur une chaise design. Mais en fait il n’y avait rien que de très honnête dans cette affiche. En choisissant parmi les quatre possibilités de l’ouvrage de Gluck, celle de 1774, le chef des Talens Lyriques, Christophe Rousset savait qu’il ne proposait pas la plus connue ni la plus émouvante des versions. En effet la traduction française pêche par de nombreuses faiblesses et le rôle-titre réécrit pour un ténor haute-contre n’est pas facile à distribuer. C’est donc avec ces choix artistiques audacieux que Les Talens Lyriques sont allés au devant du public. À Toulouse, le Chœur du Capitole a participé à l’évènement. Deux représentations de ce concert ont trouvé un écho favorable du public. Il est toujours réjouissant d’écouter cet ouvrage si savamment composé. Mais peut-on parler de succès dans la défense de cette version ci ?
Au niveau de l’orchestre assurément. Les instrumentistes des Talens Lyriques ont été, comme nous l’attendions, absolument parfaits.
Belle version orchestrale … sans théâtre
La flûte suave de Jocelin Daubigney, les cuivres infernaux et les timbales alertes tout particulièrement. Chaque musicien a répondu comme un seul à la direction précise du chef. Les ballets ont été les moments les plus forts du concert, les scènes du paradis ont été très réussies, même si la suite de danse en toute fin d’opéra a pu lasser un peu. Cette splendeur orchestrale a porté en fait tout l’opéra. Le chœur du Capitole, dont nous connaissons la ductilité par ailleurs, a été peu utilisé ce soir, au delà d’un chant massif et compact, portant fort peu d’émotions. La distribution se concentre sur trois chanteurs, nous pouvons donc faire preuve d’exigence. Las, l’héroïne qui motive tout le drame est le maillon faible. Voix sans caractère, projection courte et minauderies hors de propos, Judith Van Wanroij, n’a rien d’Eurydice la douce. L’Amour de Jodie Devos a tout le charme attendu avec une agréable voix de soprano brillante et une interprète pleine d’élégance mutine. Le héros portant tout l’ouvrage est donc ce soir le ténor Frédéric Antoun. S’il a assez de brillant dans l’aigu et de facilité pour incarner la voix de haute-contre, il a semblé ce soir comme absent du drame. Autocentré sur une voix certes superbe mais dans un chant froid, – distancié, Frédéric Antoun n’est pas un Orphée amoureux.
Reconnaissons que son Eurydice ne l’aidait pas. Dans leur duo le déséquilibre obligeait le ténor à se retenir. Et dans le trio avec Amour, la voix d’Eurydice a trop souvent disparu. Quoi qu’il en soit, c’est l’absence de couleurs et de nuances qui n’a pas non plus permis à Frédéric Antoun d’émouvoir le public. Rester l’œil sec, après le désespoir d’Orphée à l’acte III, est quand même inhabituel …
En somme les qualités orchestrales les plus hautes ne suffisent pas à défendre cette version parisienne de 1774. La voix de haute-contre ne saurait rivaliser avec la voix de contralto de la première version de Gluck ou celle de Berlioz pour Pauline Viardot. La sagesse et l’élégance de cette proposition interprétative sont pour nous trop éloignées de l’émotion attendue dans cette œuvre emblématique. Demeure cependant le plaisir d’entendre en concert une très belle partition, aboutie et concise, annonçant les grandes tragédies de Gluck à venir avec en particulier ses deux Iphigénie.
Compte-rendu opéra. Toulouse. Théâtre du Capitole, le 25 février 2018. Christoph Willibald Gluck (1714-1787) : Orphée et Eurydice. Tragédie-opéra en trois actes sur un livret de Pierre-Louis Moline d’après Ranieri de’ Calzabigi, version de Paris, créée le 2 août 1774 à l’Académie royale de musique, salle des Tuileries. Avec : Frédéric Antoun, Orphée ; Judith Van Wanroij, Eurydice ; Jodie Devos, L’Amour. Chœur du Capitole, chef de chœur : Alfonso Caiani. Les Talens Lyriques. Christophe Rousset, direction musicale.
Chronique rédigée pour Classiquenews.com par Hubert Stoecklin
Crédit photo : © Patrice Nin 2018