Energie, grâce, bonheur , … on sera bien en peine de taguer d’un seul mot le concert éblouissant de Nosfell, programmé la semaine dernière dans le cadre du festival Détours de Chant pour le public élargi du Théâtre des Mazades à Toulouse. Pour qui aime la sensation d’une musique qui emporte, propulse, traverse et laisse rêveur (c’est indescriptible en vérité !) vivre un concert de Nosfell est assurément une expérience hors du commun.
On peut arriver sans connaître, craindre un instant le trop de ferveur d’une messe pour initiés tant l’avant-concert bruisse des commentaires des aficionados, et finalement se réjouir de la page vierge, de la rencontre à écrire. T.S.Eliot soulignait que ce que nous connaissons des gens est de l’ordre du souvenir, que les gens changent, et il recommandait de se rappeler qu’à chaque retrouvaille on rencontre un inconnu.
Visiblement, Nosfell a ce potentiel rare de maintenir la ferveur et de gravir de nouveaux échelons dans la séduction d’un public qui ne demande qu’à se renouveler.
Comment ce phénomène opère-t-il ? Un show bien réglé, une chorégraphie au millimètre et des postures à la Placebo, des sons simples et bruts, une rythmique appuyée, un band qui assure la puissance et la couleur ?
Tout y est mais ce n’est pas ce qu’on retient pas vrai ?
Face à la beauté et à la fluidité d’un oiseau en vol on ne s’interroge éventuellement que plus tard sur l’incroyable complexité et la maîtrise qui permet à cet organisme vivant de faire preuve de tant de liberté. Voilà sans doute le secret de Nosfell : cette intransigeance quant à la liberté qu’il entend déployer dans son art de la scène. Une soif de liberté à laquelle il asservit son corps, sa voix, sa guitare, au prix de longues heures de travail, jusqu’à l’expression épurée qui va porter la note, la chanson, l’histoire. Il y a du Prince dans cette discipline du showman et du plaisir à y prendre assurément, jusque dans l’outrance ou la grimace.
Mais là où Nosfell quitte la trace du Kid de Minneapolis c’est quand il laisse la chanson l’aspirer vers les paroxysmes et les apnées qu’elle s’invente. Chorus baroques et tapageurs ad libitum, cassure soudaine de rythme qui laisse monter le filet de voix mélancolique d’un enfant réfugié au grenier, la profondeur des champs et des chants de Nosfell est infinie, captivante, sidérante parfois. Liberté, encore, par ces univers intimes déroulés avec pudeur et qui connectent lentement le public. Une expérience partagée avec certaines chansons de Radiohead, si ça vous parle…
Il y a du Petit Prince, dans ces pas-de-côté, dans ces alizés poétiques où l’on voit Nosfell tantôt songeur, réfugié en des poses d’échassier, tantôt renversé par la dérive de sa propre guitare, et soudain rendu au public dans un sourire d’enfant.
Il y a en France ce chanteur extra-ordinaire, et la tournée de son dernier album Echo Zulu qui, au bas mot : pour se faire une idée, vaut le détour.
Nosfell © photo manu wino live photography