Compte rendu, concert. Toulouse, le 12 janvier 2018.
Bruch. Chostakovitch, Lozakovich/Orchestre National du Capitole / Tugan Sokhiev
Un véritable marathon musical qui se termine en apothéose avec ce concert véritablement historique à plus d’un titre.
La découverte d’un violoniste de génie de 16 ans et l’interprétation d’une symphonie pharaonique de Chostakovitch promesse d’une intégrale vivifiante par Tugan Sokhiev et l’ Orchestre du Capitole en état de grâce.
Ce concert peut se déguster sur mediciTV. C’est incroyable de beauté !
Compte rendu concert. Toulouse. Halle-Aux-Grains, le 12 janvier 2018. Bruch. Chostakovitch Daniel Lozakovich, violon. Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev, direction. Il est des concerts qui semblent inoubliables tant ils ont été exceptionnels. Celui ci restera dans ma mémoire. Daniel Lozakovich âgé de 16 ans est un violoniste qui marque l’auditeur par une présence attachante et un jeu d’une musicalité rare. La jeunesse alliée à ce sérieux, cette concentration et ce plaisir à jouer est rare. En gilet, manches blanches élégantes, le jeune homme semble s’envoler avec son archet et son violon lorsqu’il débute le Concerto de Bruch.
L’œuvre si belle et si aimée, au point que Bruch en aura été assombri, lui préférant d’autres œuvres de sa composition, a été ce soir jouée admirablement. Tugan Sokhiev a constamment veillé à créer un parfait équilibre entre les musiciens et le soliste. L’écoute parfaite entre tous les musiciens a porté une interprétation à la subtile musicalité. Daniel Lozakovich a un son d’un moelleux incroyable et sait colorer ses phrases à l’envie. Les nuances sont toujours très subtilement amenées avec des son piano flottants, semblant … célestes. La virtuosité semble l’expression de la simplicité sans jamais aucun effet extérieur. Le beau Concerto passe comme un véritablement enchantement. La jeunesse et la beauté rassemblées pour le plus bel hymne à la musique et à la vie envisageable. Le succès est total les instrumentistes également sous le charme du soliste l’applaudissent. En bis, le jeune prodige de musicalité offre une Sarabande de la Partita pour violon seul n°2 en ré mineur de Bach. La délicatesse du phrasé, la subtilité des couleurs, la noblesse du pas dansant, tout est trésor de musicalité épanouie. Voilà un jeune musicien que l’on suivrait au bout du monde tant sa joie irradie.
D’aucun auront pu penser que la soirée après tant de (belle) musique pourrait s’arrêter là. La suite du concert a encore monté d’un niveau en puissance expressive et émotion musicale.
La 4è de CHOSTA.
Tugan Sokhiev pourrait se lancer dans une intégrale des symphonies de Chostakovitch tant il est à l’aise en dirigeant ce compositeur et tant l’Orchestre du Capitole répond a toute ses demandes. La quatrième symphonie est un véritable monument. Lors des répétitions avant sa création, les officiels n’en ont pas voulu et il a fallu attendre près de 30 ans après la fin de sa composition pour qu’elle soit enfin jouée. Son écriture audacieuse exige presque deux orchestres symphoniques avec 8 cors, 6 clarinettes et flûtes. Et jusqu’à 9 percussionnistes.
Avec une autorité impressionnante Tugan Sokhiev s’est emparé de sa baguette et n’a pas laissé une seconde de répit aux musiciens comme au public. Les dimensions de cette partition sont un hommage à Mahler comme à Bruckner. Mais la richesse de l’instrumentation est sans égale. L’humour voir la férocité dont la partition fourmille a trouvé ce soir des interprètes très inspirés. La qualité de l’invention dans les contrastes, les nuances, les couleurs, les rythmes et la richesse harmonique…, tout cela produit un effet inénarrable. Il est facile de comprendre comment la mesquinerie bureaucratique n’a pu laisser jouer une œuvre de cette puissance et de cette perfection formelle mais surtout de cette qualité d’invention. Un compositeur avec des telles capacités et tant de puissance créatrice ne pouvait que mettre en péril un régime déjà fortement corrompu. La manière dont la direction de Tugan Sokhiev rend limpide l’architecture de cette immense partition tient du prodige qui abolit le temps. La puissance dont l’orchestre est capable n’a d’égal que la subtilité des superbes moments chambristes. Les moments solistes sont admirablement tenus par des interprètes semblant donner leur vie.
Le hautbois de Chi Yuen Cheng et la clarinette de David Minetti savent être extrêmement émouvants. Le cor de Jacques Deleplanque a une présence noble. Mais comment ne pas citer le basson sensationnel de Lionel Belhacene ? Et la flûte de Sandrine Tilly ? Les cordes sont incroyables de présence et la famille des cuivres au grand complet rayonne de beauté. Il faudrait citer chaque musicien tant leur engagement fait merveille. Pas une seule baisse de tension, pas un moment de faiblesse dans l’orchestre, pas une baisse d’attention dans le public.
Toute l’heure que dure la symphonie a passé comme un moment grandiose et inoubliable, sans lourdeur. Du grand art par un orchestre et un chef capables de rendre parfaitement hommage au génie enfin reconnu de Chostakovitch. Le geste final comme crucifié de Tugan Sokhiev impose le silence au public de longs instants comme pour marquer les esprits face à l’exception d’une telle interprétation d’un tel chef d’œuvre.
Quelle soirée ! Le succès a été retentissant !
Ce concert termine un véritable marathon musical. L’Orchestre du Capitole et son chef Tugan Sokhiev ont entre le 30 décembre et ce 12 janvier donné 6 concerts. Sans compter les représentations de Casse-Noisette par l’Orchestre au Théâtre du Capitole… Concert mémorable.
——————————
Compte rendu concert. Toulouse. Halle Aux Grains, le 12 janvier 2018. Max Bruch (1838-1920) : Concerto pour violon et orchestre n°1 en sol mineur op. 26. Dimitri Chostakovitch (1906-1975) : Symphonie n°4 en ut mineur op. 43. Daniel Lozakovich, violon. Orchestre National du Capitole de Toulouse. Tugan Sokhiev, direction.