Kader Belarbi revisite Casse Noisette en poète de l’enfance
Voici un merveilleux spectacle de fin d’année offert pour tous les âges par le Capitole. Et le public venu en nombre a été enthousiaste, des petits aux grands. La nouvelle production arrive à garder fidèlement l’esprit de féérie et de beauté du ballet original en acidulant un peu cette sucrerie si irrésistiblement rococo. La partition de Tchaïkovski a un charme irremplaçable avec une orchestration toute de délicatesse avec de belles trouvailles. Les grands moments flamboyants ne doivent pas laisser la vedette aux autres grands ballets comme le lac de Cygnes ou la Belle au bois dormant. Le chef anglais, Koen Kessels, grand habitué des ballets à Londres, a dirigé très habilement la partition si variée en lui gardant toujours une grande élégance. L’Orchestre du Capitole a semblé en forme se jouant des trouvailles de cette partition. Le célesta, la harpe et les bois étant particulièrement mis en valeur. Les quelques ajouts de musique enregistrée afin de créer une impression d’inquiétante étrangeté sont assez habilement faits.
Le travail de Kader Belarbi est très abouti. Il déplace la nuit de Noël dans un internat ou les orphelins restent après le départ des rares parents venus chercher leur progéniture. La figure de la Haute Surveillante est une réussite permettant un vrai beau grand rôle de composition. Drosselmeyer, le directeur du pensionnat, est ambigu avec une manière de s’occuper des petits orphelins toute pleine de surprises sans oublier quelques cruautés. Marie l’héroïne se voit entourée de 5 amis. Son Casse Noisette de poupée cajolée, devient pantin ivre de ses mouvements. Il sera amputé par les araignées sorties du plancher en non plus les rats. Le voyage au deuxième acte du Club des Cinq Amis, de Marie et du Casse Noisette permet de muscler et renforcer la suite de danses sans suite logique du ballet de Marius Petipa. Cette recherche du bras cassé du Casse Noisette devient une quête commune bien propre aux amitiés de l’enfance. Et lorsque métamorphosé en Prince, et Marie en Princesse, leur pas de deux est une apothéose en forme d’avenir radieux. Le retour à la réalité de la nuit à l’internat est un retour vers la patience. Mais au petit matin un nouveau camarade arrive qui a les traits du pantin… Marie avec ce nouvel ami pourra patienter avant de devenir adulte.
Le spectacle avance avec facilité et les coups de théâtre sont vivifiants. Ce n’est pas tant le rôle de Drosselmeyer avec un costume spectaculaire qui fascine mais bien la Haute Surveillante. Il faut reconnaître à Alexandra Surodeeva un charisme exceptionnel qui donne un charme fou à son autorité. Sa férocité maîtrisée en Reine des Arachnides à bord d’un costume articulé fait beaucoup d’effet comme un cauchemar qui hantera longtemps. A l’acte deux elle est une reine des flocons superbe d’élégance. Ramiro Gomez Samon incarne un Casse Noisette qui évolue sous nos yeux. De pantin ivre de mouvements, au blessé qui garde le sourire permanent il devint un prince Charmant de grande classe.
Casse Noisette bléssé :
Il sait admirablement passer progressivement de la pantomime de l’acte un à la libération du corps par la danse pour arriver à des sauts exceptionnels et des portés d’une superbe puissance expressive.
Le Couple Charmant :
Le Club des Cinq Amis reste dans une représentation de l’enfance de bon aloi avec une grâce toujours renouvelée. Nous citerons les cinq danseurs qui sont les même dans les deux distributions : Tiphaine Prévost, Solène Monnereau, Simon Catonnet, Dennis Cala Valdès, Philippe Solano.
Natalia de Froberville en Marie, enfant orpheline avec ses couettes a beaucoup de charme, d’énergie et d’expressivité. Mais c’est en Princesse que ses moyens techniques et expressifs se lient pour faire jaillir une émotion libératoire. C’est en princesse rousse qu’elle exulte et dans un style tout de pureté et d’élévation qu’elle nous enchante dans les solos et le pas de deux de la fée Dragée. Le ballet classique à ce sommet de musicalité et d’expression est irrésistible. L’autre moment musical et scéniquement admirable est la Valse des flocons avec les voix de la Maitrise du Capitole. Quelles émotions dans cette danse portée au sublime par la musique et la grâce royale d’Alexandra Surodeeva. Avec la grande beauté des costumes sapins-pères Noël qui apporte une touche d’humour permettant la distanciation. Les décors créatifs de Lola Sergent, les lumières jouant entre ombres et lumière d’Hervé Gary et les costumes de Philippe Guillotel semblant issus de la bande dessinée par leurs audaces charmantes, tous sont de la fête et réjouissent les yeux. Le travail approfondi avec Kader Belarbi porte les fruits du succès. Le public a fait un triomphe aux artistes dans ce spectacle complet offrant un accompagnement idéal pour cette période festive.
A la toute fin l’arrivée du nouveau à l’internat:
Hubert Stoecklin
Compte rendu ballet. Toulouse, Théâtre du Capitole, le 23 décembre 2017. Piotr Illich Tchaïkovski (1840-1893) : Casse Noisette, ballet en deux actes. Chorégraphie et mise en scène: Kader Belarbi ; Décors : Lola Sergent ; Costumes : Philippe Guillotel ; Lumières : Hervé Gary ; Maître de ballet: Minh Pham ; Maître de ballet invitée : Michelle Villanova ; Ballet du Capitole, Kader Belarbi, direction ; Maîtrise du Capitole, Alfonso Caiani, direction ; Orchestre National du Capitole ; Koen Kessels, direction musicale.