Compte rendu concert. 37ème Festival de la Roque d’Antheron. Parc du château de Floran, le 12 août 2017. F. Chopin. W. A. Mozart. Nelson Goerner, piano. Sinfonia Varsovia. L. Kuokman.
Ces deux concerts sont appelés Nuit Chopin par les organisateurs. Le génie a été foudroyé dans le cas de Chopin mort à 39 ans comme de Mozart mort à 35 ans, la grâce personnelle de chacun des compositeurs, pianistes de grand talent tous deux, l’amour que leur conservent interprètes comme public, la qualité des interprètes fait de ce concert un moment privilégié auquel un public particulièrement nombreux (il ne restait pas une place libre) a fait honneur.
Nelson Goerner à la Roque : nuit de rêve…
Le pianiste argentin Nelson Goerner est un admirable interprète de Chopin reconnu dans le monde entier (un prochain récital discographique chez Alpha sera édité d’ici l’hiver 2017 : des Nocturnes au toucher et au galbe envoûtant …prochaine critique sur classiquenews). Ce soir dans les deux concertos de Chopin, joués par cœur (et comment !) il confirme son style idéal, ses qualités techniques éblouissantes, sa musicalité poétique. La simplicité de son jeux sa «modestie» sont particulièrement émouvantes. Mais c’est surtout son legato qui dans chacun des mouvements lents rend le parfait hommage attendu aux Primas Donnas romantiques. Un pianiste qui sait chanter ainsi, sur les ailes de papillons, qui trille avec cette sensibilité, il n’y en pas eu beaucoup. Le temps suspendu a été magique dans le Larghetto du deuxième concerto. Le même chant éperdu et ses trilles sublimes se sont retrouvés dans le Nocturne opus posthume offert en bis (joué et enregistré dans l’album Chopin à paraître…).
UN PIANISTE, UN CHEF… DUO DE RÊVE A LA ROQUE… Coté soliste, nous avons été éblouis par des fulgurances et des moments de pures rêves poétiques. Les capacités techniques hors normes mises au service de l’émotion auraient déjà suffi au bonheur du public. Mais il faut reconnaitre que la surprise est venue pour nous de la découverte d’un chef aussi musicien que le fabuleux pianiste. Lio Kuokman est tout simplement prodigieux de sensibilité et de vie. Il sourit, jette un œil à chaque musicien et semble toujours en complète communication avec Nelson Goerner. Sa direction est tout simplement franche et directe ; ses gestes sont d’une grande élégance. Il semble dire à chaque musicien de lui donner sa plus belle phrase et le résultat est admirable. Son bonheur à diriger des partions qu’il semble adorer passe à l’orchestre et ces deux concertos de Chopin qui parfois sonnent un peu pauvre face aux autres concertos romantiques sont brillants sans clinquant, vivant sans frénésie, et chantent à perdre haleine. Dans les deux finales, une dimension humoristique est présente, et dans cette parfaite complicité affirmée avec l’orchestre et partagée avec le pianiste, cela donne même envie de danser.
Musique du chant et de la danse avec élégance et impeccable tenue caractérisent cette très belle interprétation des deux uniques concertos de Chopin ce soir à La Roque d’Anthéron.
KUOKMAN JOUE HAFFNER… Mais sans vouloir contrarier les organisateurs, ce n’est pas seulement Chopin qui a été à l’honneur ce soir. En effet la symphonie et l’ouverture de Mozart ne peuvent être considérées comme des faire-valoir. Certes le lendemain le dimanche soir a lieu la Nuit Mozart. Pourtant le charme de la direction de Lio Kuokman dans la symphonie Haffner est remarquable. Chaque mouvement parfaitement caractérisé, cette élégance du geste révélant un vrai bonheur à faire de la musique avec les musiciens du Sinfonia Varsovia. La noblesse de l’allegro initial sa tenue pleine de charme fait merveille. Puis dans l’andante, cette complicité avec l’orchestre est une véritable fête. Le menuet est plein d’esprit et de noblesse tout en gardant une grande simplicité. Quant au final il est pur bonheur et joie.
De l’ouverture de Don Juan si connue et si aimée, je retiendrai une très belle théâtralité de la direction de Lio Kuokman. Un sens du phrasé et des nuances de la plus belle expression. Les instrumentistes de l’orchestre nous ont du long du concert nous ont véritablement régalés de leurs belles sonorités avec des cordes franches et souples, des bois chaleureux, tout particulièrement le basson, des cuivres brillants sans ostentation ; sans omettre la timbale tonique et vive. Cet orchestre est né en en 1984 sous les encouragements de Yehudi Menuhin (LIRE ici notre compte rendu du GSTAAD Menuhin Festival & Academy, festival 2017, cycle événement dans l’Oberland bernois, territoire du Saanenland, Suisse). A la Roque, grâce à la présence du Sinfonia Varsovia, la grande humanité de ce musicien unique, violoniste légendaire, a laissé son emprunte si belle à cette phalange. Nul doute que la Nuit du piano avec Anne Queffellec sera inoubliable elle aussi. France Musique diffuse en direct ces deux concerts et il sera possible de les réécouter durant un mois.
ENCORE NELSON GOERNER…
Le genre du concert avec soliste a ses travers. Alors que Nelson Goerner a joué deux magnifiques concertos, et de quelle manière, le public insensé dans son vouloir toujours plus, a obtenu nous l’avons dit un rappel du rêve éveillé et chanté avec le Nocturne Posthume. Mais afin de souscrire à l’enthousiasme du public qui veut toujours plus et plus sensationnel, Nelson Goerner a joué de manière lyrique et poétique, l’étude folle pour la seule main gauche op. 36 de Felix Blumenfeld. Satisfait de cette sorte de pied de nez plein d’esprit, Nelson Goerner a salué avec un large sourire. La joie de faire de la belle musique en si belle compagnie restera au centre de cette soirée de rêve.
Compte rendu concert. 37ème Festival de la Roque d’Antheron. Parc du château de Floran, le 12 août 2017. Fréderic Chopin (1810-1849) : Concerto pour piano et orchestre n°1 en mi mineur op.11 et n°2 en fa mineur op.21 ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Symphonie n°35 en ré mineur K. 385 « Haffner » ; Ouverture de Don Juan ; Nelson Goerner, piano ; Sinfonia Varsovia ; Direction musicale, Lio Kuokman.
Hubert Stoecklin pour Classiquenews.com