K.O. un film de Fabrice Gobert
Ce réalisateur, connu avant tout pour la série tv à succès (mérité) Les Revenants, nous avait passablement intrigué et séduit avec un premier long en 2009. Voici donc son second opus. Quittant le milieu post ado de Simon Werner a disparu…, il trace ici le portrait d’un homme influant dans les milieux télévisuels, Antoine Leconte.
Beau gosse, imbu de sa personnalité et de son pouvoir sans limite, arrogant, insupportable envers ses subalternes et ses conquêtes féminines, Antoine va tout de même dépasser une ligne de fracture qui lui vaut d’être froidement abattu par un animateur mis au rancard sans ménagement. Abattu mais pas mort. Il finit par sortir du coma et tente de retrouver sa vie passée, sauf que voilà, le monde dans lequel il se réveille n’a rien à voir avec celui qu’il a connu.
L’ancien potentat du PAF se retrouve présentateur météo. Il croise bien tout son environnement mais les relations avec les uns et les autres n’ont plus rien à voir, pas plus que leur situation professionnelle. Antoine est perdu et quand il pose des questions il lui est répondu qu’il doit se reposer. J’arrête là car bien sûr Fabrice Gobert nous réserve un twist final qui fleure bon certains films d’Outre Atlantique, référence à ces films qu’il faut revoir pour en apprécier ensuite la virtuosité. Filmée en parallèle avec des combats du noble art, la lutte que doit mener Antoine, coincé entre cauchemar et remise en question fondamentale nous plonge dans un délire vertigineux dans lequel il est difficile de séparer le vrai du faux. Entre fantasme et réalité, travail inconscient peut-être, la vie d’Antoine, quoi qu’il en soit, va basculer et le prisme de ses relations s’inverser.
En creux, Fabrice Gobert trace un panorama d’un terrifiant réalisme de l’univers télévisuel, un univers dans lequel seul prime le dieu Audimat, dieu générateur de revenus, dieu sanglant réclamant des victimes sacrificielles à longueur d’enquêtes, dieu édifiant lui-même des icônes avant de les détruire, dieu ignorant le sens même du mot empathie, dieu bien trop contemporain et malheureusement plus que réel. Et c’est dans cette parabole que le film est intéressant, dans la chute de cet homme vivant hors sol, sans repère aucun avec ses semblables. Nous en sommes hélas entourés… Une pléiade d’artistes dont Chiara Mastroianni, Pio Marmaï, Clotilde Hesme et bien d’autres entoure Laurent Lafitte. Dans le rôle d’Antoine, ce sociétaire de la Comédie française déploie toute une palette de doute et de détermination qui expose à merveille le gigantesque séisme que vit Antoine face à une réalité qu’il ne peut même pas concevoir. Un film complexe mais fascinant, un vrai thriller para normal.
Robert Pénavayre
K.O. – Réalisateur : Fabrice Gobert – Avec : Laurent Lafitte, Chiara Mastroianni….
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Fabrice Gobert – L’EHDEC, pourquoi faire ?
Marketing, Finance ? Direction l’Ecole des Hautes Etudes Commerciales à Lille. Il en sort diplômé bien sûr, mais déjà dans la tête de ce natif des Yvelines, tourne une caméra. Sera-t-il producteur comme le laisseraient penser ses études ? Non, rien à faire, c’est le cinéma pur et dur qui le taraude. Il se lance dans le métier à corps perdu. A la télévision tout d’abord avec des séries dédiées à la jeunesse puis, plus récemment avec ses fameux Revenants. Un premier long bien accueilli, sélectionné au Festival de Cannes 2010, il a alors 36 ans, retient l’attention des professionnels et du public. Aujourd’hui il présente son second et commence l’écriture d’un troisième. Le panorama français du cinéma compte désormais un nouveau visage particulièrement attachant.