« Le Théâtre du Capitole est une véritable Rolls ! »
Retour aux sources pour Christophe Ghristi qui, après avoir œuvré au Théâtre du Capitole à l’époque de Nicolas Joel et avoir suivi celui-ci pendant son périple à l’Opéra de Paris, revient en terres toulousaines, mais cette fois comme directeur de l’illustre et tricentenaire maison d’opéra. Il nous confie son émotion et ses projets.
Avant de rejoindre les équipes de Nicolas Joel à l’Opéra de Paris en 2009, vous avez été pendant 14 ans dramaturge au Théâtre du Capitole. Quels souvenirs en gardez-vous ?
Evidemment, les souvenirs sont nombreux et le plus souvent merveilleux ! J’ai eu la chance de me former dans un théâtre qui était en mesure de programmer le Ring, les grands Verdi, mais aussi le répertoire français au plus haut niveau. Pendant toutes ces années, et dans une atmosphère familiale, j’ai pu observer la vie d’une grande maison lyrique, de l’administration à la technique. Tout ça, vous ne pouvez l’apprendre que sur le tas, si vous me pardonnez l’expression. Si je devais évoquer un seul souvenir, ce serait peut-être les débuts de Marcelo Alvarez, en deuxième cast dans Lucia di Lammermoor. J’ai encore la sensation physique de la splendeur de sa voix, comme des vagues qui vous submergeaient. Et puis la chance d’avoir rencontré là de tout jeunes chanteurs qui débutaient et qui sont aujourd’hui au firmament. Ils s’appellent Ludovic Tézier, Sophie Koch, Karine Deshayes…
Que vous ont apporté vos six années à l’Opéra de Paris ?
A Paris, j’ai pu explorer des domaines que je connaissais moins comme la communication, la publicité. J’ai beaucoup travaillé sur le web et le multimédia et j’ai pu mesurer tout ce qu’un site riche et performant pouvait apporter aux spectateurs. Ma direction (la direction de la dramaturgie) travaillait en étroite relation avec la direction commerciale et le marketing et j’ai là encore beaucoup appris. J’ai aussi eu la chance de diriger l’Amphithéâtre Bastille et de pouvoir élaborer une véritable programmation. Enfin, j’étais directeur des trois services pédagogiques, ce qui pour moi est un aspect crucial de notre mission. Dans beaucoup de cas, il ne s’agit pas seulement d’ouvrir les enfants à la musique ou à la danse, mais déjà à leur propre sensibilité, dans un monde essentiellement violent et agressif. Ouvrir cette porte là, qui est celle de notre humanité, est une responsabilité et une chance fabuleuses.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le Théâtre du Capitole ?
C’est une Rolls ! C’est une maison saine et qui a été extrêmement bien tenue. Les équipes sont très professionnelles, très demandeuses de faire de belles et grandes choses. Il y a un ballet formidable, mené de main de maître par Kader Belarbi qui est un merveilleux artiste. Il y a un chœur que je trouve en grande forme, comme l’a prouvé Ernani, et qui a lui aussi la chance d’avoir en Alfonso Caiani un artisan de haut niveau. Et bien sûr, c’est un privilège d’avoir dans la fosse un orchestre comme celui du Capitole ! J’espère que nos concitoyens réalisent bien le niveau fabuleux de la vie musicale à Toulouse. Toutes les ambitions sont donc permises !
Quelles sont vos ambitions pour le théâtre dont vous allez prendre sous peu la direction, une maison fortement ancrée dans la culture populaire toulousaine et dont le passé se mesure en siècles ?
Jean-Luc Moudenc m’a indiqué les orientations qu’il souhaitait : maintenir le fonctionnement d’excellence de la maison, faire qu’elle soit ouverte à tous et qu’en même temps elle brille au firmament des maisons d’opéra. Je ne peux que souscrire ! L’opéra est un art complet et il ne faut pas privilégier un aspect sur l’autre : je veux donc soigner tout autant les distributions que la scène. Les chanteurs français y auront naturellement leur place. Je m’étonne moi aussi qu’on puisse donner un opéra français sans chanteur français. Et en même temps, il ne faut pas cantonner nos artistes dans le répertoire français. Il n’y pas de raison qu’ils ne chantent pas les grands rôles allemands ou tchèques ou russes… Tézier est un grand verdien, Koch une grande wagnérienne ! Et évidemment, nous devons accueillir les meilleurs artistes internationaux d’aujourd’hui. Pour le répertoire, il sera large et mêlera les titres mythiques et des découvertes. Nous devons sans cesse exciter la curiosité du public tout en lui donnant confiance. Il y a tant de domaines à explorer ! Avec Kader Belarbi, je voudrais aussi porter le ballet à une nouvelle dimension. Enfin, comme partout ailleurs, il faut sans cesse moderniser, notamment la communication, et inventer. Si nous voulons attirer et rendre heureux un public toujours plus large, il faut être à son écoute et vivre dans le même monde que lui. C’est ce qui me semble le plus important dans la tradition du Capitole : l’empathie avec son public.
Robert Pénavayre
Christophe Ghristi © Elisa Haberer