Le cycle Grands Interprètes vient de frapper un grand coup. La version concert, chanté en russe, de cet opéra de Piotr Illyitch Tchaïkovski, jamais entendu à Toulouse, a été donnée dans des conditions artistiques d’un niveau à faire rêver tout lyricophile ou simplement amateur d’émotions musicales. Le bûcher s’est consumé le mercredi 15 mars 2017. Les coupables dans l’exécution de ce monument de musique ? L’Orchestre et Chœur et membres de l’Opéra du Théâtre Bolchoï de Russie sous la direction de leur chef attitré et Directeur musical Tugan Sokhiev.
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Le compositeur s’était écrié un jour : « Je suis russe, russe, russe jusqu’à la moelle des os. » C’est sûr que l’on se demande bien qui, à part une troupe russe comme celle-ci pourrait nous conduire à autant d’émotions dans cet ouvrage.
Jeanne, 24 ans depuis le 10 mars ! c’est la toute jeune mezzosoprano Anna Smirnova, impressionnante, confondante d’assurance d’un bout à l’autre de ses interventions. Pas de refuge dans un quelconque vibrato, la partition est assumée avec force et conviction, une puissance lui permettant d’être nullement gênée par la masse chorale, derrière, et par l’orchestre fourni, devant, dans un chant déployant aisance et charme jusqu’aux derniers accents tragiques sur le bûcher. L’artiste a un boulevard qui se déroule devant elle, question carrière.
Inutile d’énumérer tous les chanteurs parmi lesquels quelques comprimari dont les qualités des interventions sont au même niveau que celles des solistes principaux, une dizaine de chanteurs qui semblent chanter cet ouvrage depuis toujours. Pas de souci non plus si on envisage la carrière de chacun.
On ne détaillera pas non plus pour les chœurs féminins et masculins – au total, près de quatre-vingt exécutants – qui méritent les louanges habituels quand la perfection, me semble-t-il, est bien au rendez-vous. Ils sont impressionnants.
Quant à l’orchestre !!! Les violoncellistes et autres musiciens aux cordes soyeuses ne souffrent pas, apparemment, de tendinite. Le compositeur ne les a pas épargnés, le chef, non plus. Pas une seule intervention aux bois qui puisse conduire à une réserve, même minime. A aucun pupitre d’ailleurs. Le public est comme envoûté et en oublie de se manifester par les quelques toux habituelles. Des tunnels de plusieurs minutes sans un seul raclement de gorge. La Halle en plein rêve, toute ouïe.
Mais, disons-le, l’artisan d’une telle réussite, c’est bien un certain Tugan Sokhiev. On se prend à retrouver dans cette réalisation les mêmes éléments déjà notés dans un concert du 6 novembre 2003, je crois ! Eléments qui font l’admiration toujours des spectateurs. Sokhiev impressionnait alors, par une battue extrêmement nette et sobre, d’une parfaite précision. Mais aussi par un contrôle total des plans sonores et des nuances. Tout est toujours là, de même qu’une fascination non feinte, de le voir déclencher ainsi de tels tsunamis par quelques mouvements bien ténus. On note que cette maîtrise de chaque instant du geste musical ne bride à aucun moment le feu de l’interprétation, ni des pupitres, ni des chœurs, ni des solistes. Une science orchestrale hors-pair qui permet de donner à la musique un impact physique et un élan irrésistibles, et l’écriture de cet opéra s’y prête tellement, sans le moindre dérapage dans l’ostentatoire si facile chez Tchaïkovski.
Au bilan, une autorité, une maîtrise technique, une sorte d’intuition dans la sensualité sonore qui rendent Tugan Sokhiev incontournable dans la direction de cet ouvrage.
Merci à la Caisse d’épargne de Midi-Pyrénées d’avoir mécéné un tel événement.
Michel Grialou
Nathalie Coffignal
ncoffignal@grandsinterpretes.com
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