Chaque mercredi, nous vous proposons de découvrir ou redécouvrir un film américain passé inaperçu lors de sa sortie.
« Soyez sympas, rembobinez », annonçait le titre du film de Michel Gondry sorti en 2008. C’est une phrase que les moins de trente ans (de quarante ans ?) n’ont pas pu entendre. Elle était destinée aux clients des vidéo-clubs invités à ne pas oublier de rembobiner la ou les VHS louées… Aux Etats-Unis, la formule (« Be kind, please rewind ») était inscrite sur les cassettes. La nostalgie n’est d’ailleurs pas absente du long métrage du Français, né en 1953, qui fit ses premiers pas derrière la caméra (après une expérience de batteur au sein du groupe Oui Oui) avec la réalisation de clips notamment pour IAM, Björk, Kylie Minogue, les Stones, Daft Punk, Stardust, The White Stripes, Donald Fagen… C’est aux Etats-Unis qu’il débuta sa carrière de cinéaste (Human Nature en 2001, Eternal Sunshine of the Spotless Mind en 2004) avant de faire des allers retours entre l’hexagone et l’Amérique au gré de ses envies protéiformes. De L’Épine dans le cœur (2010), documentaire sur sa famille, au blockbuster The Green Hornet (2011) en passant par The Wee and the I (2012), L’Écume des jours (2013), le documentaire Conversation animée avec Noam Chomsky (2014), Microbe et Gasoil (2015). Soyez sympas, rembobinez est la quintessence des inspirations de Michel Gondry : le goût de l’artisanat, le sens du loufoque et de la fantaisie, un attachement irréductible à l’esprit de l’enfance.
Dans une petite ville du New Jersey en déshérence, le modeste vidéo-club de M. Fletcher (Danny Glover) peine à attirer le chaland avec ses vieilles cassettes VHS à l’ère du DVD. Alors que celui-ci se rend à New York pour observer les pratiques des concurrents, Mike (Mos Def) – en charge de la boutique – se rend compte que son ami Jerry (Jack Black), doté d’un étrange pouvoir magnétique, a effacé malgré lui toutes les cassettes. Les deux hommes décident alors de tourner des remakes des films demandés par les clients. Surprise : leurs versions peu académiques, dites « suédées » (terme qu’ils ont inventé), réalisées avec des bouts de ficelle, s’arrachent. Le vidéo-club prospère, mais doit faire face à des poursuites judiciaires et une menace d’expropriation…
Au-delà de l’abattage du tandem ébouriffant formé par Jack Black et Mos Def, chacun des seconds rôles (Danny Glover, mais aussi Mia Farrow et Sigourney Weaver) charrient leur propre mythologie cinématographique dans un film qui revisite aussi bien Ghostbusters que 2001 : l’Odyssée de l’espace, Robocop ou King Kong. Il est aussi question dans cette comédie foldingue de Fats Waller, de la résistance à l’uniformisation marchande, de la mémoire et de la transmission contre l’amnésie. Outre sa drôlerie, Soyez sympas, rembobinez est une magnifique déclaration d’amour au cinéma ainsi qu’un hommage très émouvant à la culture populaire et aux valeurs élémentaires des gens ordinaires. On aura compris que le propos de Michel Gondry est esthétique autant qu’éthique.
On ne pouvait rêver mieux que ce film pour clore cette série de chroniques dédiées à des œuvres trop méconnues. Rendez-vous en 2017 pour de nouvelles aventures…
https://youtu.be/uecim–E-mQ