Concert ; Festival de Prades 2016, 64 iéme édition ; Céret Salle de l’Union ; Le dimanche 31 aout 2016. Joseph Haydn (1732-1809) : Trio avec piano n°39 en sol majeur HobXV 25 (pour Rebecca Schroeter) ; Wolfgang Amadeus Mozart (1756-1791) : Trio « Des Quilles » pour clarinette, alto et piano en mi bémol majeur K.498 (pour Franziska von Jacquin) ; Felix Mendelssohn Bartholdy (1809-1847) : Konzertstück n°2 en ré mineur pour deux clarinettes et piano op.114 ( pour Madame Baermann) ; Claude Debussy (1862-1918) : Sonate pour violon et piano en sol mineur (pour sa femme, Emma Bardac) ; Mikhaïl Glinka ( Trio pathétique en ré mineur pour clarinette, basson et piano ( pour les belles cruelles) ; Michel Lethiec et Isaac Rodriguez : clarinette ; Ju-Young Baek, violon ; Bruno Pasquier, alto Carlo Colombo, basson ; Niklas Schmidt, violoncelle ; Olivier Triendl, piano .
Hommages aux modèles et aux muses
En raison de l’organisation du musée pour y présenter les statues de Maillol un concert assis sur place n’a pas été possible. C’est donc le très agréable auditorium de Céret qui a accueilli le Festival de Prades pour ce concert du soir.
Nous avons ainsi retrouvé avec bonheur les artistes écoutés en solo dans le Musée et d’autres compères tout aussi doués.
Ainsi afin de débuter un programme plein de surprises c’est le sage Haydn qui nous a régalé d’un beau trio qui contient un grain de folie final, magnifiquement rendu ce soir. Ce trio se termine en effet sur des effets de phrasés et de rythmes « à la hongroise » que nos trois interprètes ont osé exécuter avec panache et audace. La sagesse des bonnes manières du musicien princier évolue vers un dévergondage des plus jouissifs. L’impeccable jeux de Ju-Young Baek, Niklas Schmidt et Olivier Triendl , comme retenu dans son élégance parfaite, a renforcé le contraste avec le final en pleine folie et en grande jubilation.
Ensuite Michel Lethiec, Bruno Pasquier et Olivier Triendl ont su avec une classe suprême nous faire partager l’atmosphère amoureuse très aimable de ce trio de Mozart écrit durant une partie de Quille. L’association des timbres si mélancolique de la clarinette et de l’alto est un coup de génie qui rend ce trio si « unique ». Entre douceur, amoureuses, déclarations et joie du jeu amoureux nos trois artistes ont admirablement suggéré l’amitié tendre, et d’avantage, entourant cette œuvre si belle. Bruno Pasquier comme désenchanté dans son allure, avec une sonorité soyeuse et d’une rare homogénéité a fait chanter son alto à la perfection. Michel Lethiec fait ce qu’il veut de son instrument entre amour galant, confession émue et chant éperdu de passion sa clarinette peut tout. Au piano Olivier Triendl sait être un compère attentif répondant à toutes les propositions musicales.
Felix Mendelssohn admirable comète si douée a commis un petit trio coquin des plus séduisants. Les deux clarinettes se livrent à un duel à fleuret moucheté des plus spirituels, sous le regard du piano qui s’en amuse. Rejoins par le subtil Isaac Rodriguez Michel Lethiec et Olivier Triendl ont su échanger avec brio et virtuosité toutes sortes de notes, phrases, nuances et couleurs d’une vertigineuse beauté. Les deux clarinettes ont rivalisé de délicatesse, de beauté voluptueuse du son et de nuances allant de l’infime au tonitruant. L’intelligence vive des regards, des postures des musiciens a encore renforcé l’effet de ce bijou sur un public abasourdi par tant de musicalité.
Le contraste avec la sonate pour violon de Debussy a été des plus abrupte. La belle violoniste Ju-Young Baek, toute de retenue et de classe a su animer son jeu et le rendre vibrant par instants. Son interprétation de la sonate est musicalement toute de délicatesse. La virtuosité royale est mise toute entière au service d’une interprétation pleine de charme, de subtilité et de fantaisie.
Pour finir ce concert si admirablement construite autours des dédicaces, Glinka, grand séducteur a eu l’humour de composer une œuvre incroyablement originale à la mémoire des belles qui l’ont refusé. Ce trio pour clarinette, basson et piano en ré mineur créé à la Scala de Milan est un délicat hybride de bel canto flamboyant, mâtiné de pessimisme russe : Les peines de cœur du séducteur… Nos trois musiciens ont été hilarants et touchants à la fois. Le son rond, homogène et délicatement nuancé du basson de Carlo Colombo est un véritable régal. Il peut aller jusqu’à la suavité la plus inattendue. Mais c’est dans la plainte déchirante qu’il a une efficacité désolante. Comment peut associer ainsi la notion de beauté et de tristesse ? Et avec un humour si décalé. La virtuosité anime un peu cette étrange page qui laisse le public sur un mélange de sensations entremêlées mais où le bonheur domine.
Ce programme très séduisant a été construit par Michel Lethiec sur la belle idée d’un hommage aux modèles et aux muses pour le musée de Céret.
Des pages sublimes attendues ont été enrichies par l’originalité et l’humour de plus rares partitions. Le public a été conquis. Bravo !
Hubert Stoecklin