Dès la première scène, on est surpris par les dialogues très écrits, un phrasé à la limite de la déclamation. Le doute d’être dans du théâtre filmé s’estompe vite : c’est bel et bien de la poésie. Les amoureux se déchirent en vers : Ondine (Amandine Truffy) quitte Paul (Grégoire Leprince-Ringuet), qui se se tourne alors vers Camille (Pauline Caupenne) pour se venger des femmes.
L’inhabituel demande un temps d’adaptation. Comme quand on découvre pour la première fois Les Parapluies de Cherbourg avec ses dialogues chantés, on se demande si un film construit en majorité sur de la poésie peut tenir. Puis vient le moment où on arrête de penser pour ressentir. Se laisser prendre par ce film est délicieux. A cette Forêt de Quinconces rectiligne qui l’étouffe, Paul préfère les escaliers tortueux des appartements, des métros, des coulisses d’une scène jusqu’ à ceux des toits parisiens. Un film avec de la poésie en vers (alexandrins ou octosyllabes) ne veut pas dire qu’il n’ y a que des dialogues. Du premier regard échangé avec Camille, à sa poursuite pour l’aborder, aucune parole, mais une musique et une danse enivrantes. Même si les changements de format de l’image n’étaient peut-être pas indispensables, ils ne nuisent pas à la narration. La musique classique salue des accords électriques. Les symboles de la fatalité et le hasard s’affrontent dans ce Paris actuel, où la poésie côtoie la mythologie, les sortilèges, les objets magiques, dans une surprenante fluidité.
Pour sa première réalisation, Grégoire Leprince-Ringuet propose un conte aussi audacieux qu’enchanteur. Venez vous faire surprendre !
LA FORET DE QUINCONCES, film de Grégoire Leprince-Ringuet, avec Grégoire Leprince-Ringuet, Pauline Caupenne, Amandine Truffy.
Article publié sur Benzine.