Un grand soir !
Dès les premiers accords de prélude du jeune compositeur hispanique la qualité de la composition rejoins celle de l’interprétation et le public a été conscient de vivre un grand moment. Cette création, commande de l’orchestre du Capitole prouve combien l’orchestre et son chef sont engagés dans la défense de la musique contemporaine. La grande sagesse du compositeur permet aux oreilles de se détendre et d ‘accepter une partition lyrique qui se déploie avec générosité. L’appel à une énergie supérieure est perceptible et crédible mais la nostalgie de certains moments n’est pas sans évoquer le cor anglais de Tristan La beauté de l’orchestre est un enchantement, de couleurs et de nuances subtiles.
Le concerto pour violon de Beethoven avec l’interprétation de Vadim Gluzman restera comme un moment de bonheur total proche de l’inouï. Ecoutant avec gourmandise l’introduction de l’orchestre ce musicien d’exception cherche à se couler dans le son de l’orchestre. Cest ainsi qu’avant son entrée il joue avec le tutti des premiers violons comme pour faire corps avec la musique de l’orchestre et le tempo. La direction vivante et fougueuse de Tugan Sokhiev obtient de très beaux phrasés des musicien et des nuances variées. Le romantisme de la partition s’exprime par la générosité du son qui se déploie avec puissance.
L’orchestre sera tout du long un partenaire très présent pour le soliste . Il faut dire combien Vadim Gluzman obtient de son Stradivarius une sonorité hédonique et généreuse qui semble flotter au dessus de tout. Même dans les forte le violon plane dans la lumière et n’est jamais éteint. Ses coups d ‘archets ont parfois étonnant car ils vivifient des moments trop connus. Il est admirable de sentir combien cette partition de Beethoven retrouve dans cette interprétation une vivacité, un élan bien souvent perdu sous une trop complaisante tradition. Ici le chef et le soliste, main dans la main, semblent dépoussiérer la partition et lui rendre l’audace qu’elle contient. Le mouvement lent est un chant d ‘amour paisible et radieux et le final une danse de la vie splendide. Cette interprétation sensible et vivante restera dans les mémoires de tous spectateurs privilégiés de la Halle-aux-Grains comme des auditeurs de Radio Classique en direct ou les spectateur de Mezzo à venir.
Pour entretenir la relation d’amour du public avec Vadim Gluzmann , il revient avec un extrait pour violon seul des sonates et partitas de Bach. Même sous un tonnerre d’applaudissement il a bien fallu laisser partir celui qui est tout simplement l’un des plus grand violonistes du moment.
Pour terminer ce magnifique concert la beauté et la puissance de la partition de Bela Bartok a représenté un pur moment de grâce. Le début de cette suite du Prince de bois fait penser à une sorte de création du monde avec l’utilisation si richement évocatrice des instruments les plus grave pianissimo. L’ Or du Rhin de Wagner n’est pas loin. L’effet est sidérant mais la suite de cette pièce est tout à fait incroyable. L’orchestre est gigantesque qui utilise même deux saxophones. Il est demandé aux musiciens une concentration incroyable avec en particulier des rythmes fort complexes. Cette musique a quelque chose d ’athlétique dans cette exigence de maitrise instrumentale totale et cette capacité à rendre naturels des rythmes d’une complexité inénarrable.
La manière dont Tugan Sokhiev dirige cette pièce est un pur bonheur partagé. Souriant et heureux il semble organiser jusqu’au moindre détail de cette formidable partition. Chaque instrumentiste est à la fête et semble donner tout ce qu’il peut pour participer à la fête. Les nuances sont richement creusées et le crescendo final est presque insoutenable de puissance. La beauté de la direction de Tugan Sokhiev , celle de ses gestes comme de toute sa manière d ‘être , font merveille. Un seul regret que nous n’ayons pu profiter du ballet en son intégralité, car nous savons quel chef de théâtre est Tugan Sokhiev et combien il aurait su lui rendre justice. Car cette Partition est la moins connue et la moins jouée des pièces dramatiques de Bartok. En effet l’opéra le Chateau de Barbe Bleue a trouvé son public , et récemment à Toulouse, mais également le Mandarin Merveilleux est plus joué que ce Prince de bois. Tugan Sokhiev nous avait offert une suite d’orchestre sensationnelle à Toulouse déjà en 2008. Ce soir pourtant il semblé particulièrement maitriser la complexité de l’oeuvre avec joie et aisance. La maturité est magnifique et l’entente si belle avec l’orchestre du capitole porte ses plus beaux fruits, comme une corbeille en forme de corne d ‘abondance.
Ce concert a uni des musiciens de grand talent et des compositeurs au génie souverain. Le jeune Azagra n’a pas démérité ce qui laisse augurer de bien belles compositions a venir.
Hubert Stoecklin
Toulouse ; La Halle-aux-grains, le 4 mars 2016 ; David Azagra (né en 1974) : Prélude, création mondiale ; Ludwig van Beethoven (1770-1827) : Concert pour violon et orchestre en ré majeur, op.61 ; Béla Bartók (1881-1945) : Le prince de bois, suite d ‘orchestre op.13 sz .60 ; Vadim Gluzman , violon ; Orchestre national du Capitole de Toulouse; Direction : Tugan Sokhiev.