Colombe sans tache, femme enfermée, missel et amours interdites ; spadassin dans les rues sombres, meurtre de l’un à la place de l’autre. Il me faut ton meilleur vin et ta plus jolie servante. Gilda, Sparafucile, le Duc ? Point. C’est le Vésuve qui gronde ici, et non l’orage.
François Rougier (Cœlio), Marc Scoffoni (Octave)
Car la farce est placée d’emblée sous la menace du volcan qui, mal éteint, fume sa pipe. La perspective vertigineuse des bâtiments va les faire s’écrouler. La fontaine accueille pour carnaval les lazzi des masques et du lapin blanc d’Alice avant de devenir matrice originelle, puis tombeau.
Marc Scoffoni (Octave), Aurélie Fargues (Marianne)
Ma robe est affreuse. Robe grise, rigide, ornée du carcan rappelant l’hermine du mari. Mais change-t-on de vie aussi impunément que l’on change de robe, que l’on change l’image en ce miroir ?
Tibia. Chanter n’est pas un mal, je fredonne moi-même à tout moment.
Claudio. Mais bien chanter est difficile.
Tibia. Difficile pour vous et pour moi, qui, n’ayant pas reçu de voix de la nature, ne l’avons jamais cultivée. Mais voyez comme ces acteurs de théâtre s’en tirent habilement.
Claudio. Ces gens-là passent leur vie sur les planches.
Tibia. Comment croyez-vous qu’on puisse donner par an ?
Claudio. À qui ? à un juge de paix ?
Tibia. Non, à un chanteur. [1]
Le plateau de jeunes chanteurs est malheureusement desservi par la baguette de Claude Schnitzler qui, si elle donne de belles couleurs à l’orchestre, n’entend pas que, trop souvent, les voix sont couvertes. Si Aurélie Fargues (Marianne) bataille avec quelques aigus, si Xin Wang a du mal à passer pour un aubergiste napolitain, si Norman D. Patzke est un juge un peu en retrait, le Tibia de Carl Ghazarossian, mauvais garçon en blouson pervenche, le Cœlio de François Rougier, à la fois Werther et Christian, l’Octave gentiment déluré de Marc Scoffoni et l’immense, l’hénaurme duègne porte-respect de Julien Bréan s’en tirent habilement. Et le beau mezzo de Julie Robard-Gendre (Hermia) souligne le tragique du duo mère-fils, mère en deuil et fils-fœtus.
Je ne vous aime pas, Marianne.
C’était Cœlio qui vous aimait !
Cortège funèbre de parapluies déchiquetés par l’irruption de la vérité.
[1] Musset – Les Caprices de Marianne, I,3
Photos © Alain Julien
Théâtre du Capitole, 31 janvier 2016
Une chronique de Una Furtiva Lagrima.