Toulouse. Piano aux Jacobins 36 ème édition.
Cloître des Jacobins, les 8, 9, 11 septembre 2015.
Nicholas Angelich, Menahem Pressler et Anastasya Terenkova, piano.
Article écrit pour Classiquenews.com par Hubert Stoecklin
Trois concert différents et complémentaires, trois âges de la vie de Musicien, la pleine maturité, la sagesse hors d‘âge et l’expérimentation de la jeunesse. Le Festival Piano aux Jacobins a tenu dès son ouverture ses promesses.
Nicholas Angelich pianiste d‘origine américaine, a été un élève très apprécié du grand Aldo Ciccolini, disparu cette année et que les toulousains avait entendus à la Halle au grains en 2014. Le programme de Nicolas Angelich honore deux immenses pianistes et compositeurs. Beethoven d‘abord avec deux sonates. La Sonate n° 5 puis la Sonate Waldstein. Angelich en saisit toute la force et sait mettre ses moyens impressionnants au service de sa musicalité. Il se dégage de son interprétation une force sans violence, ni passion tapageuse. La maitrise des tempi et des nuances et un choix de couleurs franches mettent en valeur la structure des œuvres et la beauté de leur construction. Sans céder à la facilité des orages romantiques ou d‘une musique à programme dans les deux Sonates, c‘est la musique pure qui s‘épanouit. Il en sera de même dans la Sonate de Liszt donnée en deuxième partie de concert. C’est la rigueur de la construction qui prend le pas sur les réminiscences d‘opéra Italien ou les fulgurances pianistiques. La virtuosité est seconde, la musique toujours Reine. Plus que de puissance, c’est une idée de force maitrisée qui s‘impose. En pleine possession de ses moyens, Nicholas Angelich est un fin musicien qui met au service des génies qu’il sert, ses moyens de pianiste virtuose et sa musicalité rare. Cette 36 ème édition de Piano aux Jacobins a donc débuté sous des auspices musicaux radieux dans une sorte de plénitude sereine.
Toulouse. Piano aux Jacobins 36 ème édition. Cloître des Jacobins, le 8 septembre 2015. Ludwig Van Beethoven (1770-1827) : Sonate n° 5 en ut mineur op.10 n°1 ; Sonate n°21 en ut majeur ,Waldstein, op.53 ; Frantz Liszt, Sonate en si mineur ; Nicholas Angelich, piano.
Nul ne savait si le doyen des pianistes en activité du haut de ses 90 ans allait se remettre de sa chute qui lui laisse une colonne vertébrale très endolorie. Menahem Pressler dit que la musique est sa raison de vivre et sa force. Il est donc venu, précautionneux et soutenu fermement, fragile silhouette s’avançant vers le piano une canne à la main. Ce que cet admirable musicien nous a offert ce soir dépasse tout ce qui peut s‘imaginer. La musique a irradié dans une délicatesse de songe. C’est dans une étoffe d‘ailes de papillon que cet Elfe du piano a déployé un vol qui jamais n‘a touché terre. Tout d’élévation et de lumière crépusculaire, l’art du pianiste forme des perles nacrées, des gouttes d‘eau mordorées, des bulles de champagne, qui toujours rebondissent et jamais ne tombent au sol. Les ans n’ont pas de prise sur cet être éternellement jeune au sourire franc, ses doigts ne sont qu‘élévation ; ils ne forcent jamais le piano. Les nuances sont précises et subtilement dosées avec des pianissimi de rêve. Les couleurs sont celles d’une mélancolie heureuse toujours lumineuses jusque dans les ténèbres. Son programme d’oeuvres rares et exigeantes donne, sinon une image de la quintessence de la musique, du moins une association riche de symboles. Tant le Rondo de Mozart que la Fantaisie de Schubert sont de forme libre comme une suite de variations que le génie des compositeurs secondé par un interprète particulièrement inspiré font tendre vers une musique qui pourrait être celle de l’infini. Autre figure de l‘abolition de la pesanteur : la danse. Celle des Mazurkas de Chopin est délicate à rendre et peu de pianistes le peuvent comme Menahem Pressler. Un rubato subtil, une légèreté de toucher, des couleurs diaphanes parlent à l‘âme qui peut croire en un ailleurs paradisiaque ou ni poids, ni charges n’existent ou tout est légèreté, beauté, poésie. Après un tel moment de partage, sorte de testament joyeux, nous savons que ce message si beau va nous aider quoi qu’il arrive. Merci à vous Menahem Pressler, musicien si complet et poète immortel pour être venu encore une fois dans ce beau cloître des Jacobins. L’ovation du public debout a montré combien votre exemple d’humanité a été compris.
Cloitre des Jacobins, le 9 Septembre 2015. Wolfgang Amadeus Mozart ; Rondo en la mineur, K.511 ; Frantz Schubert(1797-1828) : Sonate n°18 en sol majeur D.894, fantaisie ; Fréderic Chopin 3 Mazurkas op.7 n°1 et 3 ;op.17 n°4 Ballade n°3 en la bémol majeur, op.47. Menahem Pressler, piano.
Frêle silhouette, Anastasya Terenkova, a débuté son récital consacré à Bach, arrangé et arrangeur, d’une manière fort singulière. Des doigts timides, des sonorités droites et une nuance piano constante avec une mise en lumière de la ligne de chant principale sont un parti pris inhabituel. Ce n‘est pas là le Bach des riches contrastes, des rythmes pleins de vie, des harmonies complexes. La transcription du Prélude en si mineur de Siloti ou celle de Kempf « Je t’appelle, Seigneur Jésus-Christ » passent sans que vraiment l‘émotion ne pointe. Plus intéressante semble la transcription par Bach lui même d’un concerto pour hautbois de son contemporain Marcello. Dans l’Adagio, la mise en lumière du chant du hautbois est une belle réussite d’Anastasya Terenkova. La troisième Suite Anglaise de Bach, dans cette proposition interprétative, gagne en fluidité et en clarté mais perd en relief. La danse ne s‘invite jamais et cette musique devenue désincarnée perd en nerf, en corps, en vitalité. C’est dans la troisième partie du concert, dans l’adaptation par Rachmaninov de pièces de la troisième Sonate pour violon seul et ses variations sur un thème de Corelli que le piano d’Anastasya Terenkova s’anime un peu mais sans la virtuosité extravertie du Russe aux grandes mains.
Etrange choix interprétatif ce soir d’une musique désincarnée comme jouée du bout des doigts. Le charme évanescent de ce concert n’a pas convaincu tout le public. Mais il y a tant de possibles avec la musique de Bach au clavier, que l‘originalité de la démarche d’Anastasya Terenkova mérite tout notre respect à défaut de la partager.
Trois concert différents et complémentaires, trois âges de la vie de Musicien, la pleine maturité, la sagesse hors d‘âge et l’expérimentation de la jeunesse. Le Festival Piano aux Jacobins tient dès son ouverture ses promesses et le public nombreux est comblé.
Toulouse. Saint Pierre des Cuisines, le 11 septembre 2015 ; Johann Sebastian Bach ( 1685-1750) : Bach/Siloti : Prélude en Si Mineur, BWV 855a ; Marcello/Bach : Concerto pour hautbois en ré mineur, BWV 974 ; Bach/Kempf : « Je t’appelle, Seigneur Jésus-Christ » BWV 639 ; Bach : Suite Anglaise n°3, en sol mineur, BWV 808 ; Vivaldi/Bach ( arr A.Tharaud) : Sicilienne BWV 596 ; Bach/Rachmaninoff: Prélude, Gavotte et Gigue (Sonate pour violon en mi majeur, BWV 1006) ; Rachmaninoff, Variations sur un thème de Corelli op.42 ; Anastasya Terenkova, piano.