Il est organiste, mais je dirai plutôt, c’est un organiste fou, enfin, un “fou, pas fou“, une sorte de réincarnation de la musique d’orgue. Il joue, il transcrit, il compose. Il est né : O. R. G. U. E. On est loin de l’image d’Epinal de l’organiste d’église, hirsute, aux godasses improbables et aux sapes insoupçonnables. Si l’objectif du Festival, c’est de nous chatouiller, nous bousculer, nous surprendre, nous laisser surprendre, il est pleinement atteint avec Cameron Carpenter. Ceux qui n’ont pas encore vu à l’œuvre le personnage devant son orgue mis au point par…lui-même, ne peuvent imaginer l’ensemble. Il leur reste le concert à la Halle ce mercredi, et ce sera un très beau lot de consolation de toutes les façons. Le plateau de la Halle avec l’International Touring Organ faisant face aux musiciens de l’Orchestre, et les dizaines de HP colonnes autour, si vous n’y êtes pas, c’est tant pis pour vous.
Mais, voir ce jeune homme avec sa coupe de cheveux improbable qui émerge au-dessus de son instrument, entouré d’une multitude de boutons, devant, sur les côtés, les touches blanches au sol, gigantesques, et les touches noires bien sûr, c’est un spectacle surréaliste. Et devant, un bataillon d’enceintes colonne, plusieurs dizaines, bien sagement alignées, juste sous la fresque gigantesque du jeune graffeur Maye qui occupe tout un mur du hangar où a lieu le concert. On ne pouvait rêver mieux comme décor pour un tel concert. Plus, en fond de hangar, le boyau vert de ILk, c’est total ! Il est des concours de circonstances qu’on n’ose imaginer, et c’est donc là qu’il fallait être ce lundi soir.
Mais il est des vidéos que l’on regrette de ne pouvoir tourner car, voir les “serpico“ de Cameron aux talons recouverts de strass venir frôler, glisser, tapoter, caresser, lécher, effleurer, frotter, s’emporter sur les touches blanches ou noires, c’est un grand moment, pendant que les mains courent, gambadent sur les claviers et les boutons de partout. Des passages indescriptibles qui font dire de la manière la plus simple : « ce type est habité par la musique, ou plutôt habité par la musique d’orgue ». Il ne fallait pas rater l’Ouverture des Maîtres Chanteurs dans un arrangement de …Cameron Carpenter, et dans un autre, la Sonate n°4 de Scriabine, et d’autres…ou les Variations sur un Noël de Marcel Dupré.
On apprend qu’il a conçu lui-même les plans de cet instrument invraisemblable avec tout ce qu’il y a autour. Qu’il faut un semi de plus de vingt tonnes pour transporter le tout. Qu’il s’occupe de tout même du plumeau. On sait que nombreux sont les pianistes qui font de même avec leur instrument, mais là, ce n’est pas un piano, c’est un orgue avec tout le système permettant de reproduire les sons, et quels sons !!! Et le bonhomme a déjà fait le tour du monde des plus grandes salles de musique dite classique. La console est unique mais pour le système acoustique, il est double. C’est plus commode, un en Europe, l’autre aux Etats-Unis. A Toulouse, nous avons l’artiste sur deux dates !! à l’Espace Cobalt et à la Halle !!
Le programme de plus de une heure et demie minimum a été une véritable démonstration des possibilités de la machine, et des possibilités surtout et en premier de Cameron Carpenter, un phénomène, il faut en convenir. Qui plus est, un personnage, d’une extrême disponibilité, prolixe en renseignements, comme s’il voulait faire partager sa passion à tous, d’un enthousiasme communicatif quand il joue, et quand il ne joue pas !!
Vous l’avez compris, un artiste comme on n’en rencontre pas tous les jours, et c’est bien l’événement-phare pour le Festival Toulouse les Orgues 2015. Gageons tout de même qu’il y en a d’autres pour ce festival, et l’on ne m’en voudra pas pour cet emportement.
Le public qui s’était déplacé jusqu’à l’espace Cobalt – l’espace dévolu était plein – ne l’a pas regretté et a fait un triomphe à ce jeune artiste si surprenant, et attachant, à qui l’on pardonne sans difficultés son accent américain qui me pose, pour ma part, tant de soucis de compréhension !!
Rendez-vous à la Halle ce mercredi 14 octobre pour Three Songs de Gerschwin, dans un arrangement de Daniel Powers et Toccata festiva de Samuel Barber. Si vous ratez cette séance de rattrapage, c’est tant pis pour vous. La deuxième partie, c’est pour Tchaïkovski et sa rare Suite n°3. Le concert est dirigé par Tugan Sokhiev, cela va de soi.
Michel Grialou
Orchestre National du Capitole
photos 1 – 4 – 5 : Thomas Guillin
photos : 2 – 3 Julien Dubois
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