Tout jeune septuagénaire, le Grenier de Toulouse continue d’écrire son histoire, celle-ci se poursuivant à Tournefeuille où la municipalité l’accueille en résidence dans sa belle salle de l’Escale depuis quelques années. Stéphane Batlle et Pierre Matras creusent à leur manière le sillon tracé jadis par Maurice Sarrazin en restant fidèles au projet originel de la compagnie : monter les grands classiques et les grands auteurs du répertoire.
La saison 2015/2016 ne dérogera pas à la tradition puisqu’on y trouve, entre autres, les noms de Georges Courteline, Gaston Leroux, Molière, Albert Camus et Victor Hugo, pour des reprises de spectacles créés les saisons passées et d’ambitieuses nouvelles créations.
Jugez plutôt…
C’est avec Les Boulingrin, mis en scène par Pierre Matras, que le Grenier ouvre sa saison à l’Escale de Tournefeuille du 1er au 11 octobre. On se réjouit de revoir à Toulouse une pièce de Courteline, l’auteur des Gaietés de l’Escadron et de Messieurs les ronds-de-cuir étant bizarrement peu joué dans la ville rose. Muriel Darras, Laurence Roy, Cédric Guerri, et Pierre Matras sur scène dans cette savoureuse histoire de pique-assiette sans-gêne croyant avoir trouvé deux bonnes poires à manipuler, finalement malmené au milieu des scènes de ménage, réelles ou improvisées, que lui infligent ses hôtes, l’irascible couple Boulingrin.
Une autre histoire de couple en délicatesse à la base d’Un air de famille, la comédie aigre-douce écrite à quatre mains par le tandem Agnès Jaoui/Jean-Pierre Bacri. Les comédiens du Grenier reprendront à la Salle Nougaro, du 5 au 7 novembre, la version qu’ils avaient créée il y a deux ans à l’Escale. Les Mesnard se retrouvent dans le café tenu par l’un des membres de la famille le jour où la femme de celui-ci a quitté le domicile conjugal pour prendre du recul et « réfléchir » comme on dit. Un événement impensable et cataclysmique dans cette petite communauté où tout et tous semblent définitivement à leur place, déclencheur de douloureux mais comiques chamboulements familiaux…
Pour l’une des deux grandes créations de la saison, l’équipe du Grenier a choisi d’adapter Le Fantôme de l’Opéra, roman fantastique publié par Gaston Leroux en 1910, déjà porté de multiples fois sur scène ou à l’écran. Une libre adaptation « inspirée de faits réels » signée Laurence Roy et mise en scène par Pierre Matras. Connaissant l’univers fantasque de l’une et la fantaisie de l’autre, on peut s’attendre à un objet théâtral singulier qui ne devrait laisser personne indifférent. La distribution est tout aussi alléchante puisqu’on y trouve les excellents Marc Compozieux et Denis Rey aux côtés des comédiens du Grenier. « Du fantastique, du rire, de l’amour, de la haine, du suspense : un vrai polar dans les dessous de l’Opéra » à découvrir à l’Escale de Tournefeuille du 12 au 31 décembre.
Créé la saison dernière dans une mise en scène de Stéphane Batlle, Le Bourgeois Gentilhomme sera repris du 12 au 16 janvier au Théâtre Sorano, salle historique du Grenier de Toulouse qui y fera son retour 13 ans après la dernière apparition de la troupe. Une version très personnelle qui peut désorienter les puristes où l’on retrouve cependant tous les personnages et les épisodes principaux de la célèbre pièce de Molière. Des costumes et un décor « fin des sixties », une bande-son, des chansons et des chorégraphies très seventies et un Pierre Matras qui incarne un vibrionnant Monsieur Jourdain… dont les ressemblances avec le Louis de Funès d’Oscar et d’Hibernatus ne sont pas tout à fait fortuites.
L’événement était présenté comme une soirée d’amusement sans prétention la saison dernière mais ce pourrait bien être désormais un rendez-vous récurrent de la programmation, Le concert du Grenier de Toulouse sera donné les 16 et 17 février à l’Escale de Tournefeuille. Pierre Matras semble beaucoup y tenir malgré les réticences de ses camarades. Ces derniers plaident la faiblesse et disent avoir été « odieusement menacés » par l’intéressé qui « se croit chanteur ». On ne se prononcera pas sur ce point mais on notera que les comédiens du Grenier recevront à cette occasion les renforts des 50 musiciens de l’Orchestre d’Harmonie de Tournefeuille dirigé par Claude Puysségur ainsi que ceux de Rachel Joseph et Séverine Lescure, deux véritables (et très bonnes) chanteuses. De quoi passer une bonne soirée « malgré tout ». Et puis, comme le disent ses amis, ça fait tellement plaisir à Pierre Matras…
On n’oubliera pas que, s’il est chanteur à ses heures, Pierre Matras est avant tout un bon comédien. Il se chargera de le rappeler lui-même s’il était besoin le 16 mars où il reprendra Oscar et la dame rose. Après avoir incarné sur scène durant trois ans le jeune et bouleversant héros éponyme du roman d’Eric-Emmanuel Schmitt, il le fera revivre sur la scène de l’Escale de Tournefeuille le temps d’une lecture au profit de l’association APECO.
Tout le monde a encore en mémoire l’adaptation cinématographique que Milos Foreman avait faite de Vol au-dessus d’un nid de coucou et l’extraordinaire composition de Jack Nicholson dans ce film récompensé par 5 oscars. Pour sa seconde grande création de la saison, du 2 au 20 mars, le Grenier s’attaquera au défi ambitieux de porter sur une scène de théâtre le roman de Ken Kesey. En profitant des dimensions du plateau de l’Escale de Tournefeuille pour reconstituer le décor et l’atmosphère irrespirable de l’hôpital psychiatrique où sont enfermés Mc Murphy et ses compagnons d’infortune. Une quinzaine de comédiens et une mise en scène de Stéphane Batlle pour cette œuvre « moderne, bouleversante, profonde et drôle » dans laquelle Laurent Collombert prêtera sa force et son épaisseur au personnage de Mc Murphy.
On retrouvera avec bonheur Laurent Collombert dans la même salle, mais seul sur scène cette fois, dès le 30 mars et jusqu’au 3 avril pour une reprise de L’Étranger. Créée en 2013, cette adaptation du roman d’Albert Camus mise en scène par Stéphane Batlle nous fait entrer dans le corps et la tête de Meursault, celui qui « est condamné à mort parce qu’il ne joue pas le jeu ». Pas le jeu de la comédie sociale, pas le jeu qu’une société coupable veut imposer à cet étranger absolu, meurtrier par hasard, qui même pour sauver sa tête « refuse de mentir » selon le mot d’Albert Camus. « Mentir ou mourir, il faut choisir » écrit Céline dans Voyage au bout de la nuit.
Autre adaptation d’un grand classique reprise à l’Escale de Tournefeuille du 11 au 22 mai, celle des Misérables donnée pour la première fois en fin de saison dernière. Une création justement saluée à l’époque par des salles combles et un public enthousiaste. On a beau le connaître par cœur, le chef d’œuvre de Victor Hugo reste indémodable et continue de fasciner toutes les générations plus d’un siècle et demi après sa publication. Encore fallait-il transposer sur scène ce livre colossal sans lui faire perdre de sa force et de son émotion, challenge brillamment relevé par l’équipe du Grenier et une bande de jeunes comédiens épatants. Jean Valjean, Cosette, Fantine, les Thénardier, Javert, Gavroche… tous sont là dans une succession de tableaux évoquant avec brio les passages les plus fameux du roman. Une vraie réussite à revoir absolument.
Cette 71ème saison du Grenier de Toulouse se terminera par une soirée de clôture les 16 et 17 mai à l’Escale avec tous les comédiens de la troupe et les musiciens de l’École d’Enseignements Artistiques de Tournefeuille. Le programme n’est pas vraiment défini mais on sait que « beaucoup de choses pourront arriver » et que le public « aura son mot à dire ».
Quoiqu’il en soit, un conseil, n’attendez pas la fin de la saison et allez fouiller dans les malles du Grenier…
Mécénat / Partenariats
Sandrine Marrast
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