Ce vendredi 18 septembre, il ne fallait pas rater le concert de Tchéky Karyo à la Salle Nougaro : l’acteur, dont on disait qu’il « a une gueule », a aussi une voix, qu’Enki Bilal n’a pas hésité à mettre en vidéo : ici
Autour de la mémoire donne envie d’aller écouter ses chansons rock matinées de blues ou de soul (l’on ne s’étonne pas qu’il aime reprendre Otis Redding par exemple) et de poésie.
Et effectivement sur scène, cette chanson est un pur moment de bonheur, qui fait penser certains de mes voisins à Bashung, dont l’écriture onirique, d’une grande fraicheur, tranche avec la mièvrerie d’une grande partie de la chanson française actuelle.
Dans une salle Nougaro à moitié pleine malgré le match d’ouverture de la Coupe du Monde de Rugby, nous sommes nombreux à être « scotchés », comme dit mon fils, par l’ambiance très cinématographique de l’introduction (ce qui ne devrait pas nous étonner de l’acteur), puis par l’énergie déployée avec son groupe piano-basse-batterie-guitare. Les éclairages soulignent habilement l’univers original du chanteur, la musique lyrique et puissante, où passe souvent l’once de fragilité des gens qui ont connu l’ombre et la lumière.
La plupart des titres sont composés par Karyo à la guitare et travaillés avec un jeune pianiste, Thomas Février, avec lequel il a initié cette aventure ; ils ont aussi composé quelques titres ensemble, puis il a ouvert « l’espace aux musiciens pour que leur créativité s’y retrouve; ce fut un long travail collégial, nourri de l’histoire de chacun, autour d’univers auxquels ils est attaché mais qu’ils ont en commun ».
Le chanteur passe allègrement du français, où il est profondément original, à l’anglais, où il est très à l’aise puisque sa musique oscille nettement vers le blues et le rock, jusqu’à une chanson qu’il il introduit en 3 langues dont l’espagnol. En fait, ce sont des bouts de chansons saisies au vol dans un quartier très populaire, dans le 11ème arrondissement durant son enfance, auprès d’amis Marocains, Tunisiens, ou Espagnols, qui chantaient les chansons qu’ils entendaient dans leur pays, et il improvise ce moment à chaque concert: « ça dépend du feeling, de la bande son qui passe à ce moment là », comme cette comptine Turque à la fin du medley avant d’attaquer « Les Toits du Monde », c’est une façon de raconter les différences et la richesse que l’on ressent à la musique d’autres langages, d’autres cultures… On sent une prise de position bienvenue contre la guerre, les guerres, qui ravagent notre seul monde, qui prend une connotation particulière avec les conflits au Moyen-Orient et les flux migratoires pour qui l’Europe est un havre de paix (et il sait trop bien par ses parents ce qu’est l’exil).
N’oublions pas les origines méditerranéennes de l’homme; Et répétons une fois de plus que la différence et le partage enrichissent.
Olive tree café, un blues lent d’excellente facture, évoque un amour perdu à New York
La rumeur, est un rock engagé, superbe malgré le thème (Elle court, elle abîme, elle salit), qui me rappelle mon regretté ami François Béranger.
Une belle chanson a capella, seul avec sa guitare, assis au bord de la scène, évoquant Un soir à Gibraltar, fait fondre les spectatrices.
Pour les textes, ce sont des rencontres, des amis qui écrivent pour lui. Lia Anne-Thibout pour « Undelicate Transgression » et « Poisoned Lipstick », dont ce sont les premières chansons; Christiane Cohendy pour les Toits du Monde, une amie comédienne avec qui il a souvent joué au Théâtre; Jean Fauque pour Autour de la Mémoire, rencontré alors qu’il faisait des jams ensemble; Zeno Bianu, découvert à la librairie de la Maison de la Poésie, qui est l’auteur du Credo avec lequel il introduit le spectacle et qui a écrit plusieurs textes de l’album: leur relation se poursuit aujourd’hui avec un spectacle sur Jimi Hendrix auquel il a consacré un long poème*.
Le troisième album est encore dans les limbes de la réflexion, mais inutile de dire que son public de plus en plus large l’attend avec impatience !
Découvert dans certains polars à la française, mais aussi dans des films plus nuancés comme Le retour de Martin Guerre de Daniel Vigne, l’Ours de Jean-Jacques Annaud ou Un long dimanche de fiançailles de Jean-Pierre Jeunet, avec une belle carrière cinématographique encore en devenir, Tchéky Karyo a ajouté avec bonheur une nouvelle corde à son arc et il n’a pas fini de nous surprendre.
Si vous le croisez sur la route avec ses musiciens, n’hésitez pas à aller lui rendre visite : il est bien vivant et « avec la chanson, il joue le rôle de sa vie ».
E.Fabre-Maigné
18-IX-2015
* Dates du concert Credo à ce jour, dont une pour le spectacle Hendrix :
7/10 Antibes Salle Pierre Vaneck
9/10 Vendenheim Espace Culturel
16/10 Montpellier Festival International de Guitare
23/10 Boulogne Sur Mer Théâtre le Carré Sam
24/10 Boulogne Sur Mer Théâtre le Carré Sam (Jimi Hendrix Monologue Electrique)
6/11 Clichy Théâtre Rutebeuf
13/11 Chambéry Salle Totem
14/11 Charly Domaine Melchior Philibert
20/11 Avermes Salle Isléa
5/03 Hyères Théâtre Denis
On peut retrouver Tcheky Karyo sur Twitter, et YouTube:
http://youtu.be/JsFeNfiEbgM : MOMENTS
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