Jeudi 17 Septembre, 18 heures : le public investit pour la première fois l’exposition Picasso, Horizon Mythologique au Musée des Abattoirs. L’événement est de taille. C’est, à Toulouse, la première exposition monographique consacrée au peintre depuis 1965.
Le projet se compose d’une trentaine d’œuvres, majoritairement prêtées par le Musée Picasso de Paris : des encres et des dessins, des gouaches minuscules, des sculptures impressionnantes et des toiles, dont la célébrissime Figures au bord de la mer. Cette dernière n’est pas, pourtant, le centre de gravité de l’exposition, qui s’articule autour de l’immense rideau de scène intitulé La Dépouille du Minotaure en Costume d’Arlequin. Peint en 1936 pour la pièce de théâtre «14 Juillet» de Romain Rolland, il est l’œuvre maîtresse de la collection permanente des Abattoirs.
Les références mythologiques de cette peinture explicitent, en partie, les intentions de l’exposition. Quand on sait que «14 Juillet» fut jouée au Théâtre du Peuple, un théâtre de verdure aux contours délimités uniquement par le ciel et la mer, les lignes de force du projet des Abattoirs deviennent limpides.
Ce que propose Olivier Michelon, directeur du Musée, du FRAC Midi-Pyrénée et commissaire de l’exposition, c’est d’explorer le caractère unique de Picasso à travers un thème rare et pourtant récurrent de son univers: les bords de mer. Ce choix sans évidence s’avère particulièrement perspicace. Tout en écartant les angles d’analyse classiques, il réunit l’ensemble des sujets chers au peintre Espagnol : la femme, le cirque, les arlequins, les chevaux…, qui fondent sa propre mythologie
Ainsi, on pourra admirer le carton préparatoire de La Dépouille du Minotaure, gouache de petit format à l’émotion bouleversante, ou une série de baigneuses qui, rassemblées en un seul endroit, distillent tout le paradoxe de leur sensualité pleine et abrupte, captivante et inquiétante.
Paradoxe est un mot qui sied bien à Picasso, et cette exposition en est la démonstration. A travers l’une de ses créations les plus massives, les plus puissantes, c’est aussi son ultra-sensibilité, sa capacité de délicatesse et de douceur qui nous sont révélées.
La ligne éditoriale resserrée, associée à une scénographie épurée, redonne sa place et le temps nécessaires à l’œuvre, au public et surtout, à la contemplation. Rarement, on aura ressenti plus fort le plaisir de pouvoir se mouvoir et respirer autour des pièces exposées. Cette fluidité de mouvements permet d’appréhender physiquement le travail de l’artiste et de ressentir, par cette implication charnelle, son inaltérable modernité.
Aimer Pablo Picasso est, évidemment, une bonne raison pour visiter cette collection. Mais ne pas l’aimer en est une meilleure encore. Comme beaucoup de peintres modernes, le travail de Picasso est avant tout immersif : il déploie mieux sa force et sa cohérence dans le rassemblement et la confrontation des œuvres. Picasso, Horizon Mythologique est une proposition d’une pertinence irrésistible. Les Toulousains ont beaucoup de chance.
Eva Kristina Mindszenti
Exposition Picasso, Horizon Mythologique
Jusqu’au 31 Janvier 2016 au Musée des Abattoirs
76 allées Charles de Fitte, Toulouse
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