Fondée en 1983, la salle de concert plantée aujourd’hui au port de Ramonville, a vécu depuis cette époque les pires tempêtes et les bouleversements constants du rock, de son industrie et de ses gens, renaissant plusieurs fois de ses cendres, drainant des publics fidèles à la tête de plus en plus blanche, aussi bien que les jeunes générations qui renouvellent l’esprit et les sons du lieu, même s’il est évident pour les anciens, toujours ronchons mais lucides, que ça ne va pas en s’arrangeant.
Pour les quelques-uns qui ont du mal à se dire qu’ils n’assisteront jamais de leur vivant à un concert extra-long et tortueux du Grateful Dead ou à un assaut dense et glacial de King Crimson, ou pour ceux qui n’ont juré que par OTH ou les Thugs, ces regrets risquent de prendre une légère acidité en compulsant le programme des prochains événements musicaux prévus au bord du canal. Vent violent, baleine blanche, ange révolté, vertiges longs et lents, où êtes-vous?
Nous aurons tout de même repris le chemin du piment avec un festival garage le 27 août, puis avec une sorte de récital intimiste, « en petit ensemble », du pénétrant et rude Miossec (le 1er septembre). le Bikini en « formule cabaret » aura-t-il retrouvé l’esprit berlinois des années 20 quand les artistes peinturlurés exprimait la décadence et la folie d’une société avariée, cariée, perdue? à notre époque où des Gad el Maleh ou Yannick Noah semblent les parangons de nos médiocres vertus, le summum de ce que t’attend la majorité (on dit aussi « le peuple ») en matière de culture et d’humanité, ce serait judicieux. Nous faisons confiance à Miossec, bien que les préoccupations de ce chanteur qui semble à la fois fragile et dangereux, ses chroniques monocordes et cruelles, récemment adoucies, concernent surtout l’état mental des amants abandonnés, des couples déchirés par les trahisons et les remords, de ces amères solitudes qui font descendre des morceaux de charbon dans la gorge et jusque derrière le sternum.
http://www.christophemiossec.com/videos/
Le 17 septembre, un plateau de rebelles ferraillant contre le conformisme ambiant, va faire résonner les parois du cube d’une poésie âpre et parfois outrée, notamment celle de Mano Solo.
Cette année, le puissant groupe Les Hurlements d’Léo, mélange de garçons bouchers antiswing, haidouks aux noirs désirs et arrière-petits-fils de fréhel, a rendu hommage au chanteur qui avait les nerfs du cou comme des câbles électriques et les pupilles comme des canons, qui criait à l’aide mais refusait une tendresse de mouton, dans un album aux multiples invités (Zebda, Cantat…), chacun donnant sa version d’une chanson favorite. C’est une restitution de ce Léo/Solo qui nous sera proposée.
Nous avions interviouvé Mano Solo au tout début des années 90, à l’occasion d’un ou plusieurs concerts à la Cave-Po, et il portait crânement une superbe guitare Gretsch noire en bandoulière. Il nous avait paru tendu, sec, nerveux, radical, à fleur de peau, dévoué à son art, mais tout à fait gentil, avide de s’exprimer. Personne ne le connaissait, il avait habité sur le canal, dans une péniche, et c’était sa première télé – il s’en est longtemps souvenu. Maintenant, il est mort, sauf pour ceux qui lui vouent un culte. Ici, un second entretien, tout à fait amical et détendu, réalisé en 1995 dans une loge de la salle Nougaro. Il y est notamment question de Lou Reed, à qui Solo en voulait beaucoup, à cause d’une certaine promotion, à la « grande époque », de la toxicomanie, cette pratique mortelle.
En première partie, des rayures hypnotiques – Facteur Zèbre : nous avons évoqué ce duo de Merville dans un précédent article sur ce site.
Depuis des années, le rap français met la bêtise en vitrine: histoires de coqs, de cul, de colliers… le pire de ce que les stars US ont montré, en se pavanant dans des limousines avec des filles à moitié nues et des breloques en or autour du cou. Ou alors, c’est un mélange à la soupe qui afflige.
Youssoupha, le Français originaire de Kinshasa, c’est pas mal. A 35 ans, il envisage déjà une fin de carrière pour ne pas s’assoupir dans un « rap de sénateur » à la Oxmo Puccino. Dans son dernier album, NGRTD (pour « négritude »), il développe les thèmes de l’identité noire, de la diversité, de la famille et de la guerre intérieure, en s’en « remettant toujours à Dieu », et en citant brièvement Aimé Césaire.
La fraîcheur et l’intelligence des nouvelles générations, du Sud aussi, peut-être, sont portées haut dans un flow tonique par le duo toulousain à peine sorti de l’adolescence, Big Flo et Oli. Pour s’en convaincre, voir et écouter « le cordon ». Deux soirées en octobre.
Nous repérons là des concerts à dormir debout, mais des surprises ne sont pas à exclure en version live quand les disques et les vidéos ne semblent pas très excitants : The Skints (reggae blanc bien fait), Archive, Josef Salvat (cet Australien dont une chanson sert de jingle à une grande marque, qui a de l’humour mais chante des scies impossibles), Lou Doillon, voire Izia dans sa nouvelle incarnation électro française.
(The Skints)
Pour rester en éveil, il faut compter sur les historiques Stranglers et les tirs sans sommation de Jon Spencer Blues Explosion, sur qui nous écrirons quelques paragraphes prochainement, mais on trouve aussi dans le programme Nina Hagen, Mass Hysteria ou le duo The Dø qui continue sa tournée à succès et branchera à nouveau son light-show magique (https://blog.culture31.com/2014/10/23/the-do-eux-deux-une-moitie-dabba/) ; enfin l’éternel Maceo Parker, saxophoniste rauque et funky, dans le festival Jazz sur son 31.
La bonne nouvelle, récurrente toutefois dans la maison d’Hervé Sansonetto, c’est le retour de ce vieil Arno en mars 2016 – sa version bastringue du Vous les Femmes (Pobre diablo) de Julio Iglesias, comme si Anthony Quinn chantait en feuilletant ses bulletins de pension alimentaire, entouré de forts des halles et avec Gina Lolobrigida et Giulietta Masina dans le fond de la scène, peut être entendue dans le film de Gallienne, « Les Garçons et Guillaume, à table ! » (et dans sa BO en CD) ; la parution d’un nouvel album serait programmée en début d’année.
https://www.youtube.com/watch?v=7yhHYmnDcvo
Greg Lamazères