Création de Jean-Pierre Beauredon d’après deux pièces de Jean-Claude Grumberg, « Ça va, si ça va bravo » est repris au Théâtre du Grand-Rond avec notamment Denis Rey et Francis Azéma.
Quelques personnages pressés se croisent dans un no man’s land sans âme. Sommes-nous dans le couloir morne d’un métro, devant l’ascenseur d’un parking souterrain ou dans le hall d’entrée d’une entreprise ? « Ça va, si ça va bravo » débute par des chassés-croisés incessants. Visiblement très occupés, ces gens qui se connaissent entament une conversation par l’inévitable formule «Ça va ?». Mais, telle une éjaculation précoce, toute tentative de dialogue tourne court. Quand, installé sur un banc public, le va-et-vient verbal semble s’attarder sur la durée, ça tourne vite à l’hystérie dans une logorrhée labyrinthique souvent jouissive mais à sens unique.
Dans son adaptation de deux textes de Jean-Claude Grumberg(1), Jean-Pierre Beauredon met sobrement en scène, dans une succession de saynètes, des lieux de passage où la vie qui prend son temps peine à éclore. Dans nos sociétés contemporaines, les échanges de rigueur ne sont que des impasses où s’agitent les hommes en gris aliénés par leurs préoccupations, tellement soucieux de leur emploi du temps, si obsédés par leur problèmes existentiels. Jean-Claude Grumberg porte un regard acéré sur ces êtres en quête d’une issue de secours et sur cette époque perdue à force d’avancer trop vite. Ici, l’absurde surgit du quotidien le plus inoffensif, et chacun s’y reconnaîtra aisément. Car, «ce qui est important chez Grumberg, c’est sa volonté de pourchasser avec classe et fausse désinvolture les manquements de ses contemporains, leur disposition à être drôles, voire hilarants, sans le savoir», prévient le metteur en scène.
Ce texte, où l’humour est omniprésent, est servi par une petite troupe d’acteurs magnifiques : Cathy Brisset, Philippe Bussière, Jean-Pierre Beauredon lui-même. On retrouve surtout Denis Rey et Francis Azéma, dont la complicité fort ancienne éclabousse leurs duels successifs d’une saveur raffinée. Dirigés avec minutie, les deux acteurs creusent là le sillon de leur fructueuse collaboration avec une liberté totale. Ils nourrissent leur art de cette nouvelle confrontation jonchée de multiples mises en abîme de la question théâtrale.
Du régal à l’état pur !
Jérôme Gac
Jusqu’au samedi 25 juillet, 20h30, au Théâtre du Grand-Rond,
23, rue des Potiers, Toulouse. Tél. 05 61 62 14 85.
(1) « Ça va ? » et « Si ça va, bravo » (Actes Sud)