Dans une époque où la plainte sans fin et l’esprit maussade en boucle sont la règle, ce n’est pas sans surprise que le public de la Halle-aux Grains a vu le maire de Toulouse, Jean-Luc Moudenc, le sourire aux lèvres, monter sur scène. La Municipalité veux fêter avec éclat les dix ans du chef Tugan Sokhiev à la tête de l’Orchestre du Capitole. Cette médaille d’or de la Ville, que le maire lui a remis, vient donc officialiser les choses. Avec modestie et bonhommie Tugan Sokheiv a simplement remercié et dit que cette médaille appartenait autant aux musiciens de l’orchestre que lui, et même à l’équipe municipale pour son indéfectible soutien dans des temps incertains…Il est si bon et rare de vivre un accord si évident entre politiques, public, artistes.
Photo Patrice Nin
Sans plus tarder Tugan Sokhiev a saisi sa baguette pour diriger l’ouverture de Don Giovanni. Le souffle du drame a aussitôt ému, avant que la gaité de la fugue ne dissipe ces brumes de l‘âme. En quelques minutes, Tugan Sokhiev et son orchestre précis et virtuose ont permis de vivre tout le drame et la farce de cette somptueuse partition. Passant du romantisme le plus sombre à la vivacité la plus enjouée, tout en maintenant une tension constante, nous n’avons pu que regretter que le Capitole n’offre pas d’avantage de productions lyrique à un chef si doué pour le théâtre.
Photo Marco-Borggreve.
Inon Barnatan est un jeune pianiste prodige que les Toulousain ont déjà pu entendre au festival de septembre, Piano aux Jacobins. Remarquable musicien, ce jeune talent a su offrir une version de toute beauté dans le Troisième Concerto de Beethoven. Avec une palette de nuances riches, des sonorités variées, un toucher d’une grande délicatesse, la musique diffuse à tout moment. Très à l’écoute de l’orchestre il a constamment cherché à harmoniser sa sonorité à celles de l’orchestre. Cette science de l’écoute est ravissante et permet des moments de grande musicalité quand un chef comme Tugan Sokhiev, attentif et vigilant aux équilibres, dispose d’un orchestre si précis. L’entente a été parfaite et l’oeuvre si égalitaire entre le soliste et l’orchestre, a sonné magnifiquement, avec force et finesse. L’évidence qui s’est dégagée de cette interprétation a tenu de la magie. L’idée m’est venue qu’Inon Barnatan a dans son jeu quelque chose de la poésie et de la délicatesse des Elfes avec une sorte de sagesse sereine.
Le bis qu’il a donné en a été une belle illustration avec des nuances d’une infinie délicatesse et un toucher sensible permettant un legato de rêve dans un extrait de la cantate BWV 208 de Bach dans une transcription signée Egon Petri.
En deuxième partie de concert, la belle affinité entre Tugan Sokhiev et la musique de Mendelssohn a de nouveau semblé une évidence. La Symphonie Italienne est si solaire, si enthousiasmante et si entrainante que les sourires du chef et des musiciens ont été bienvenus. L’alacrité domine cette interprétation qui met en lumière toute les finesses de cette partition. Les nuages et une mélancolie fugace ont été rendus mais sans lourdeur. C’est la vivacité des tempi, la délicatesse des phrasés, la finesse des nuances qui ont soutenu une narrativité entrainante. Un très beau concert de fin de saison Toulousaine pour Tugan Sokhiev, devant une Halle aux Grains pleine à craquer et en liesse. C’est un programme idéal pour célébrer les 10 ans d’un accord parfait et heureux.
Chronique publiée sur classique news par Hubert Stoecklin