L’Orangerie du Château de Rochemontès est un authentique bâtiment du XVIIIème siècle, adossé à un parc à la française dessiné par Le Nôtre, qui surplombe la Garonne, aux portes de Toulouse. Cet écrin intime est idéal pour apprécier un concert de musique de chambre suivi d’une dégustation de vin accompagnée de savoureux produits du terroir. Ici nous est réservé un accueil chaleureux pour passer un dimanche à la campagne, musical et convivial, en compagnie de musiciens rares dans la région, de ceux dont on ne se lasse pas.
Le dimanche 31 mai 2015, pour le 15ème concert organisé en ce lieu par Madame Catherine Kaufmann-Saint Martin, amatrice éclairée et passionnée, ce sont les Passions de Montauban qui ont mis à l’honneur les compositeurs Frescobaldi, Rossi, Cima, Selma, Ucellini, Castello, Fontana, Merula, Spadi, Boddecker…
Trois musiciens de l’Orchestre Baroque de Montauban nous ont offert leurs « Petits plaisirs du Seicento » mis en musique par des compositeurs à l’imagination débridée. L’Italie du XVIIème siècle, particulièrement Venise, a vu l’éclosion de nombreuses formes instrumentales, témoignage de l’émancipation des instruments par rapport à la voix. Naissaient alors les termes cantate, sonate et canzone dont le destin se prolonge jusqu’à nos jours.
Comme l’écrivait Robert Browning à propos d’une Toccata de Galuppi (1855) :
…Comme pour Venise et son peuple, simplement nés pour fleurir et se faner,
Sur cette terre, ils portaient leurs fruits, la gaieté et la folie étaient leur récolte…
Jean-Marc Andrieu avec sa flûte (à bec) enchantée, Yasuko Bouvard avec son si original claviorganum et Laurent Le Chenadec avec son basson virtuose, ont interprétés ces thèmes à la mode de l’époque (aujourd’hui appelés « standards » dans le jazz par exemple) et leurs variations où se disputent virtuosité et expressivité instrumentale.
Les trios ont alterné avec les duos et les solos, et Laurent Le Chenadec ira même jusqu’à jouer de la flûte dans un duo endiablé avec le maestro Jean Marc Andrieu. Les Lachrimae Pavan de John Dowland et La jeune fillette anonyme entendue dans Tous les matins du monde m’émeuvent toujours autant ; et j’ai vraiment entendu les trilles du Rossignol de Jacob Van Eyck, me rappelant la comptine que me chantait ma grand-mère :
Rossignol joli
Do si ré mi
Joli rossignol
Mi fa mi fa sol
Rossignol cendré
Fa sol fa mi ré
Fait chanter l’écho
Fa sol mi ré do.
Au delà du plaisir de mes oreilles et de mon esprit, ce qui m’a fasciné une fois de plus, ce sont les mains de ces artistes, ces mains qui font naitre des milliers de notes comme des fleurs dans le grand jardin de la Musique, ces mains croquées par le dessinateur Rosendo Li*. Six mains comme des oiseaux libres sur la partition de la Beauté. Cela fait partie des merveilles qui me réconcilient avec l’humanité et qui confortent ma foi dans un grand architecte, quand les doutes m’assaillent.
Entre deux compositions, Jean Marc Andrieu, en grand érudit qu’il est, mais en toute simplicité, nous a initié aux arcanes de cette musique baroque qu’il aime tant : il est même allé jusqu’à nous expliquer comment les compositeurs de cette époque « recherchait le tempérament inégal pour éviter le comma pythagoricien** » ! Et pour le néophyte que je suis, c’était clair comme de l’eau de roche.
Même les pupitres bleu électrique et rouge garance qui se détachaient sur l’ocre du claviorganum et le rose des briques, tout est pensé ici pour le plaisir des sens. Jusqu’aux délices des nourritures terrestres concoctées par des amis de la maitresse de cérémonie sur la pelouse à l’issue du concert !
En tout cas, ce qui ressortait au bout du concert, c’est ce que cette musique n’a pas été écrite par hasard, elle n’est pas jouée par hasard, par ces musiciens d’exception, ici : elle l’a été pour les âmes sensibles aux affetti, aux passions…
Le printemps s’est donc terminé en beauté à Rochemontès avec ces « Petits plaisirs du Seicento » que nous ont offert ces Passions particulièrement en verve.
Il y a de la musique dans le soupir du roseau ; Il y a de la musique dans le bouillonnement du ruisseau ; Il y aurait de la musique en toutes choses, si les hommes pouvaient l’entendre. (Lord Byron – Don Juan)
Et ces concerts à Rochemontès, préparés avec amour par CKSM, reprendront à l’automne, le dimanche 8 novembre, mais il n’est pas trop tôt pour s’y préparer. ***
E.Fabre-Maigné
31 mai 2015
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Croquis pris sur le vif par Rosendo Li
* Rosendo LI est un artiste montalbanais d’origine péruvienne. Il pratique le dessin et la peinture. Il est né à Chulucanas Piura au Pérou. Il a été formé au dessin et à la peinture aux écoles des Beaux-Arts de Piura et de Lima.
Il est diplômé de professeur en arts plastiques à l’école des Beaux-Arts de Lima et en peinture murale, poterie et porcelaine aux instituts des Beaux-Arts de Pékin et Canton (Chine).
Il a exposé au Pérou, en Chine, à Hong Kong et en France…
Contact : li-rubio.rosendo@orange.fr Site : http://rosendo-li.monsite-orange.fr
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Photo ©Fabienne Azéma
**Le comma pythagoricien est l’intervalle entre 7 octaveset 12 quintes pures consécutives, la différence entre le fa ♯ et le sol ♭.
***Pour vous renseigner : http://concertarochemontes.org ou 05 62 72 23 35
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Pour vous abonner et acheter vos places : https://concertarochemontes.festik.net/
88 € pour 4 concerts – place réservée dans les premiers rangs de face.
Ou par chèque à l’ordre de VMI Productions
Catherine Kauffmann-Saint-Martin, 3 rue Lionel Terray, 31200, Toulouse
Idem pour réserver les places à l’unité (24 euros – 15 étudiant – gratuit – 10 ans).