Au théâtre du Pavé, avec « Ulysse » et « Molly », deux personnages mythiques de la littérature se racontent dans deux mises en scènes imaginées par Pascal Papini, d’après « l’Odyssée » d’Homère et « Ulysse » de James Joyce.
Vingt-cinq siècles séparent les textes de James Joyce et de Homère. Hasard de la programmation, ils sont ce mois-ci côte à côte au Théâtre du Pavé : Molly, héroïne issue de l’ »Ulysse » du romancier irlandais, et Ulysse, héros mythique de « l’Odyssée » du poète grec. Deux mises en scène de Pascal Papini, chacune sobre et imagée, pour deux paroles singulières : celle d’une femme contemporaine qui se raconte dans un monologue intérieur et un aède qui fait publiquement le récit de son périple.
Ulysse, fils de Laërte, revient à Ithaque après la guerre de Troie, puis son long et tumultueux voyage en mer, ses nombreuses rencontres avec les Cyclopes, la magicienne Circé, les sirènes, la princesse Nausicaa, le royaume des morts… C’est un homme épuisé, malheureux, ayant perdu tous ses compagnons, qui se présente au banquet du roi Alcinoos. «Nous n’avons pas cherché une représentation réaliste, illustrative», précise Pascal Papini qui préfère se définir comme régisseur général que comme metteur en scène, «mais plutôt une petite théâtralité autour de l’acteur/conteur, pour rendre compte de la beauté de ce poème magnifiquement traduit et versifié par Philippe Jaccottet».
Cette traduction poétique, musicale, proche de la psalmodie, a séduit Francis Azéma qui aime défendre les beaux textes sur scène. Ce sont quatre chants extraits des 24 que compte le poème. Faisant s’entremêler merveilleux et cruauté, histoire d’amitié et aventure humaine, Ulysse les adresse à une assemblée, dévoilant un être résolument humain. Ses paroles, jouant ici de l’intériorité, là de la profération directe, sont celles d’un homme plein de mensonges et de blessures. Ulysse n’est pas le héros que chacun croit connaître, courageux et honnête. Il est simplement un rescapé à l’ego bien trempé qui a dû parfois sauver sa peau grâce à sa malice. Ce sont les mots de cet homme-là, ambigu, pas toujours fier de ses actes mais encore plein d’envie de vivre, que porte Francis Azéma. Le débit s’écoule entre le parlé-chanté et le recto tono, accompagné par les sonorités évocatrices du oud de Lakdar Hanou. Un voyage sur les flots de l’épopée d’un homme meurtri, et sur ceux infinis de notre imaginaire.
Sarah Authesserre
une chronique du mensuel Intramuros
« Ulysse », du 26 mars au 11 avril, du mardi au dimanche, au Théâtre du Pavé,
34, rue Maran, Toulouse. Tél. 05 62 26 43 66.