« Un illustre inconnu », un film de Matthieu Delaporte
Surprise ! On n’attendait certainement pas le réalisateur de l’excellent Prénom (2011) dans un film aussi ténébreux et angoissant. Le challenge, périlleux, est relevé avec les honneurs, même si l’on pourrait imaginer un peu plus de rigueur dans le scénario et moins de facilité de ce côté-là. Pour l’heure, voici Nicolas, la quarantaine, propre sur lui, célibataire, agent immobilier, timide, introverti et un rien transparent pour les autres. Un profil quelconque sauf que la vie de Nicolas n’est pas si simple que cela. Souffrant du complexe du solitaire ne comptant pour personne, en fait Nicolas vit plusieurs vies. Et plus particulièrement celle d’hommes qu’il croise dans sa vie professionnelle et dont il prend physiquement l’apparence grâce à des postiches qu’il se fabrique dans la cave-laboratoire de son pavillon. Son métier lui facilitant beaucoup de choses, il est même devenu expert en la matière et malgré quelques anicroches inévitables, il persiste dans ces vies par procuration. Jusqu’au jour où, prenant les traits d’un ancien et riche musicien à qui il vient de trouver le loft de ses rêves en plein cœur de Paris, les choses vont se compliquer sérieusement et l’obliger à changer radicalement d’existence. Ce film devient alors un vrai thriller, avec tous les ingrédients du genre : cadavre, flics, explosions, manipulations, poursuites. Sur le thème de la solitude, Matthieu Delaporte trace ici le portrait complexe d’un homme en quête d’une identité, d’une reconnaissance que la société lui refuse aujourd’hui. Mathieu Kassovitz incarne avec une froideur marmoréenne ce personnage très actuel, innocente victime d’un environnement social qui met dans l’apparence l’essentiel de l’être humain.
Robert Pénavayre