Jean-François Zygel « joue avec… » Spectacle à la Salle Bleue
Pour notre plus grande joie, et notre enrichissement culturel, Jean-François Zygel nous donne rendez-vous, dans sa nouvelle formule pour la troisième année, à la Salle Bleue de l’Espace Croix-Baragnon : « Jean-François Zygel joue avec… »
En choisissant à chaque fois un compositeur cher à son cœur, sur lequel il tisse un bouquet d’improvisations révélatrices du compositeur choisi.
Robert Schumann, Maurice Ravel, Serge Prokofiev, Félix Mendelssohn, Gabriel Fauré sont les heureux élus de ce cycle 2014-2015.
En retenant des thèmes de ces compositeurs Jean-François Zygel
Improvise, non pas pour faire étalage de son immense virtuosité, mais pour nous faire pénétrer jusqu’à l’intime du compositeur, en montrant les principales facettes de celui-ci.
« Je fais des spectacles dont la matière est le savoir. »
Pour débuter son cycle, Jean-François Zygel présente un véritable spectacle fait de musiques mais aussi de paroles judicieuses et pertinentes, tout en étant ludiques, comme l’est ce merveilleux lutin.
Car il s’agit bien d’un spectacle parfaitement construit, qui au travers de courtes histoires et de musiques improvisées, dresse un portrait profond du compositeur retenu.
Jean-François Zygel a choisi Robert Schumann, qui lui tient tant à cœur. Obsédé par sa musique dès 13-14 ans, il s’est récemment totalement replongé dans toute son œuvre pour piano. Et cela a même suscité de sa part « un poème » dédié à Schumann et qui exprime bien les deux faces opposées de Schumann, Florestan l’impétueux et Eusébius le tendre rêveur :
« Il est près de nous, à l’intérieur, tout près.
Il incarne un Romantisme mystérieux et inaccessible.
C’est l’amoureux de la forêt, des fantômes, des enfants.
Amoureux de l’amour aussi.
Il est à jamais le symbole de l’artiste. Romantique, blessé,
ayant du mal avec le monde terrestre comme l’albatros
de Baudelaire, avec ses ailes de géant qui l’empêchent de marcher.
Il confie tout à son piano, des rythmes puissants et inlassablement
répétés aux plus délicats enchaînements harmoniques.
Cavalcades effrénées, marches funèbres fantomatiques,
chansons d’enfants, flot tempétueux et chorals salvateurs jalonnent
une musique que seule l’inspiration guide et structure.
Prince des nuées, notre frère, notre double. » (JFZ.)
Ce texte en dit aussi long sur Schumann que sur Jean-François Zygel.
Lui aussi, Prince des nuées de l’improvisation, Jean-François Zygel ne veut plus interpréter, il se refuse à simplement faire revivre un texte figé, il veut improviser, inventer, imaginer. Aussi il rend hommage plus profondément en se servant du tremplin de quelques thèmes pour tracer un portrait psychologique de « ses amis », plus vrai et plus profond qu’une simple interprétation, aussi accomplie soit-elle.
À son double, à son jumeau astral, Jean-François Zygel emprunte 12 thèmes, ceux qui l’inspirent le plus pour ses improvisations. Il cite ainsi entre autres le mouvement lent du Quintette pour piano, l’oiseau-prophète des Scènes de la forêt, des extraits de l’Album pour la Jeunesse, une démonstration des obsessions rythmiques de Schumann prise dans Carnaval, un thème de la chère Clara dont le Sabbat rejoint les cavalcades de son mari, et enfin un choral qui lui permet de terminer en majesté son hommage à son ami Schumann.
La plupart des facettes du compositeur, depuis ses tendres mélodies jusqu’aux tempêtes, sont ainsi montrées et Jean-François Zygel dévoile les ancrages de Schumann au bord de la folie, pour se sauver : Bach, l’enfance, le Seigneur.
Schumann, (1810-1856), est bien l’archétype du musicien romantique
« Les tempêtes font rentrer l’homme en lui-même, et j’ai trouvé dans le travail une consolation aux terribles événements extérieurs ». (Schumann), et cela touche profondément Jean-François Zygel.
Lui le funambule entre la tombée du jour, la montée de la nuit, et l’obsession des musiques ne résonnant qu’en lui-même, a pour confident son piano.
« Nous avons aussi besoin de profondeur, d’intensité, de consolation… » dit Jean-François Zygel, qui restitue par son hommage à Schumann cette pensée. Jean-François Zygel refuse tout pathos que la vie de Schumann favoriserait, entre sa schizophrénie et sa tentative de suicide, et sa nuit douloureuse.
Il veut simplement faire de Schumann un ami cher écartelé entre comptines d’enfance et forêts sombres pleines de fantômes, hanté aussi par le poète Heinrich Heine, son ange noir. Ainsi il est vivant parmi nous, grâce à ce portrait musical qui tient en haleine par sa diversité, son inventivité.
Ce qui a de remarquable avec Jean-François Zygel c’est son art de la transmission d’un savoir non dominateur, ludique, sa complicité avec le public.
Jean-François Zygel est un enchanteur, qui distille un bonheur inventif et nous rend proche ses amis compositeurs.
« La musique est ce qui nous permet de nous entretenir avec l’au-delà. » (Robert Schumann)
Jean-François Zygel nous le fait ressentir et entrevoir.
Gil Pressnitzer
Espace Croix-Baragnon – Réservation