Claire (Anaïs DEMOUSTIER) et Laura (Isild LE BESCO) sont amies depuis vingt ans, depuis leur rencontre à l’école primaire. Une amitié que l’on grave au creux des mains, éternelle, « À la vie, à la mort ». Lors de l’enterrement de Laura, Claire rappelle son engagement : veiller sur son mari David (Romain DURIS) et sa fille Lucie, qui est aussi sa filleule. L’idée de revoir ce bébé qui lui rappelle tant son amie est tellement inenvisageable qu’elle est incapable de les recontacter. Claire s’enlise dans la dépression. Gilles, son mari (Raphaël PERSONNAZ) l’aide de son mieux, sans la brusquer. Un matin, durant son jogging, elle se rend chez David sans prévenir. Elle le découvre habillé avec les vêtements de sa femme, perruque blonde, en train de donner le biberon à Lucie.
Dans la plupart des films, le travestissement naît d’une contrainte extérieure : trouver du travail (Tootsie, Victor Victoria, Albert Nobbs), se rapprocher de ses enfants (Madame Doubtfire), échapper à la mafia (Certains l’aiment chaud). Dans Tomboy, l’héroïne profite d’un malentendu, qu’elle ne dément pas, pour aller jouer au foot avec les garçons, qui excluent les filles. Le travestissement se légitime, le spectateur comprend, s’identifie facilement.
Ici, le travestissement est intrinsèque au personnage de David : ce désir, déjà présent, se réveille à la mort de sa compagne, et l’aide aussi dans sa relation avec sa fille. Le questionnement du spectateur est celui du personnage d’Anaïs DEMOUSTIER : « Ta mère t’habillait en fille quand tu étais petit ? », était déjà présent dans la nouvelle Une amie qui vous veut du bien, de Ruth Rendell, dont le film est librement inspiré.
David trouve une confidente, avec qui il peut enfin partager son secret, et Claire une nouvelle amie. La transformation de David métamorphose aussi Claire, qui s’épanouit de plus en plus à son contact, quand celui-ci n’est plus David mais son amie Virginia. Le film est entièrement construit de scènes miroir : celles entre Claire et Laura, que l’on voit lors du flash-back à l’église n’éclairent pas uniquement leur complicité passée, mais répondent une à une à l’amitié naissante entre Claire et Virginia. Il en est de même entre des scènes d’habillage et de maquillage : l’une pour préparer la défunte, l’autre pour (re)donner vie. Mort/Vie, Enterrement/Mariage, Amitié/Amour : les codes se confondent, se répondent et s’échangent sans lourdeur, comme les teintes automnales des paysages du film. L’ambiguïté des rapports entre David/Virginia et Claire (entre eux, et au regard des autres) et les rêves et fantasmes qui se fondent dans la réalité font qu’on navigue entre atmosphère pesante et comédie, voire conte, avec une grande fluidité. François OZON ne rit jamais de Virginia, mais des situations dans lesquelles elle est, sans jamais tomber dans le grotesque. Si Tomboy jouait avec les clichés garçon/fille, Une nouvelle amie s’amuse des stéréotypes homme/femme (j’espère que la scène d’amour entre Gilles et Claire parlera aux hommes comme elle m’a parlé).
La performance de Romain DURIS est bluffante de réalisme : il ne suffit pas de mettre une perruque ou une robe pour être femme. Son corps est celui de son personnage. Ceux qui ont vu sur scène Nicolas MAURY dans La nuit tombe de Guillaume Vincent savaient quand il interprétait un enfant ou un adulte, sans avoir à ouvrir la bouche ou changer de costumes. Pour Romain DURIS, c’est pareil : les vêtements et les intonations aident, mais son corps suffit. La féminité émane de lui. C’est troublant. Anaïs DEMOUSTIER est elle aussi parfaite, en changements plus subtils, tantôt inquiétante et directive, tantôt perdue et confuse, face aux touches de rouge que lui souffle Virginia dans son monde jusqu’alors bleu. Si vous pensez que la phrase On ne naît pas femme, on le devient serait une accroche pour Une nouvelle amie, vous avez raison, mais elle correspond davantage au personnage de Claire qu’à celui de Virginia. Ce film est une ode à la liberté : celle à laquelle on aspire et celle qu’on découvre.
Sortie nationale le 5 novembre.
Rencontre avec François Ozon, Romain Duris et Anaïs Demoustier ce jeudi au Gaumont Wilson, renseignements ici.