« Mommy », un film de Xavier Dolan
Le mot peut paraître fort. Génie avez-vous dit ? Et pourtant, comment qualifier autrement le parcours de ce jeune québécois de 25 ans dont le talent et les audaces effraient l’intelligentsia du 7ème art, Cannes inclus. Son 6ème opus (!) est sans appel et l’installe sans discussion possible au sommet des jeunes cinéastes du moment. Son audace, sa détermination, son inventivité, ses choix, son art, tout concourt à le hisser sur la première marche du podium.
Cette fois, Xavier Dolan nous parle d’un rapport pour le moins difficile entre un fils, Steve, et sa mère, Diane. Steve est en pleine adolescence. Beau et blond comme un ange, il ne peut cacher en lui les vertiges d’une violence terrifiante lorsqu’elle se déclenche. D’institut en institut, sa mère, veuve, vient de le récupérer. Un pseudo état de grâce semble s’installer. Il sera de courte durée. Mais tant bien que mal, le duo fonctionne. Il fonctionne d’autant mieux que bientôt il se transforme en trio avec l’irruption dans leur vie de la voisine d’en face, Kyla. Enseignante incapable de communiquer avec ses élèves, elle est en congé sabbatique. Clairement, elle porte en elle une fracture psychique dont on ne connaîtra pas l’origine. Cela dit, son nouveau rôle de professeur privé dédié à Steve apparaît comme une véritable thérapie pour Kyla. Durant 2h14’, la vie de ces trois personnages, dans la banlieue un rien populaire de Montréal, va se dérouler devant nous avec ses heurts et ses malheurs, son naturalisme, sa spontanéité, sa crudité aussi. Les dialogues, souvent dans un argot québécois plus que « fleuri », le joual, sont sous-titrés (heureusement !). Tourné au plus près des visages dans un format carré qui ne laisse que peu d’échappatoire à la vérité des regards, ce film envahit le plein écran par deux fois, dans des envolées oniriques stupéfiantes de maîtrise et de portée émotionnelle. Sur une BO toujours aussi signifiante chez ce cinéaste, une poignée de fidèles comédiens se retrouvent devant la caméra. Il en est ainsi du jeune (17 ans) Antoine-Olivier Pilon, Steve éperdu d’amour pour sa mère, qui effectue avec ce rôle une entrée fracassante dans la sphère des surdoués. Il faut être très fort, et bien dirigé, pour faire en permanence sourdre de ses gestes et de ses regards une telle tension en même temps qu’une telle désespérance. Diane, c’est Anne Dorval, magistrale, superlative encore une fois dans ce rôle de mère-courage. Kyla a les traits et le talent de Suzanne Clément. C’est tout dire.
C’est un film dur, très dur même, mais le talent conjugué de tous en fait une ode magnifique à l’amour maternel. A voir absolument !
Robert Pénavayre