Connaissez – vous Avi Mograbi ? Pour ma part, je n’en avais jamais entendu parler, jusqu’à ce que je me retrouve à ouvrir l’emballage du DVD de Dans un jardin je suis entré.
Pour autant, je ne me qualifierais pas trop rapidement de frustre. D’abord, parce que je suis toujours très indulgente envers moi – même, ensuite parce le travail de ce réalisateur – scénariste – monteur israélien spécialisé dans le documentaire, est de nature assez confidentielle dans l’hexagone.
Pour autant, Avi Mograbi n’en est pas à son premier coup d’essai. Parmi vous, certains braves s’intéressant à la géopolitique et aux évènements mêlant État d’Israël et Palestine, se seront peut – être déjà penchés sur Comment j’ai appris à surmonter ma peur et à aimer Ariel Sharon (brûlot très critique sur la droite israélienne) ou Happy birthday Mr Mograbi (vision sans concessions des exactions de l’armée israélienne). D’autres spécialistes du festival de Cannes n’auront pas manqué d’y repérer Pour un seul de mes deux yeux, qui avait été présenté en 2005 (hors compétition).
Dans un jardin je suis entré est une occasion supplémentaire de mettre un pied dans l’univers d’Avi Mograbi. Le réalisateur place (une fois de plus) son pays de naissance au coeur d’un documentaire, d’une façon qui semble encore plus personnelle qu’à l’accoutumée.
Avi et Ali se connaissent depuis longtemps, plus de 30 ans. Ils ne partagent pas les mêmes origines (le premier est israélien, le deuxième palestinien vivant en Israël) ni le même parcours (Avi est réalisateur, Ali activiste politique et professeur d’arabe). Pourtant, ils sont amis et ont décidé de mettre en commun leurs histoires et leurs souvenirs, afin de parler d’une région du monde qui n’a pas toujours été traversée par les conflits.
À travers leurs photos de famille, les parcours de leurs aïeuxs, les deux hommes se remémorent un Moyen – Orient disparu où la liberté de circulation était encore possible, où juifs et arabes cohabitaient en paix.
La fille d’Ali, Yasmine, petite gamine gaie et pleine de vie, vient elle aussi prendre part à leurs discussions.
Dans un jardin je suis entré est un documentaire qui, à travers une discussion presque informelle, traite d’un sujet dense, complexe, parfois douloureux.
L’immersion n’en est pas évidente, elle pourrait même sembler inaccessible, car tout spectateur potentiel ne possède pas systématiquement les connaissances d’un Bernard Guetta*. Or, dans un premier temps, les références et contextes énoncés ne sont pas évidents, beaucoup de lieux, mouvements politiques tout bonnement inconnus. Un portrait (même court) sur le parcours des deux hommes n’aurait pas été superflu, permettant de mieux appréhender certains tenants et aboutissants.
Heureusement, l’arrivée de Yasmine apporte une réelle bouffée d’air frais et permet d’éclairer les propos. Par l’intermédiaire de son regard d’enfant, elle apporte son témoignage, son ressenti des tensions entre communautés (notamment, en racontant ce qui se passe dans son école). Tout comme lorsque les deux hommes en viennent à évoquer des faits contemporains (l’histoire d’amour naissante que vit Avi, le retour sur le lieu de naissance d’Ali).
D’autres respirations viennent également étayer les discussions (la lecture de très belles lettres d’une femme à son amant exilé), illustrées par de petites vidéos en super 8.
Dans un jardin je suis entré ne se pose pas en manifeste politique, n’apporte aucune solution particulière au différend israélo – palestinien, ne désigne pas les bons ou les méchants.
Dans une ambiance toujours plus délétère, il apporte simplement un témoignage à hauteur d’homme sur les conséquences du conflit. Et pousserait même à penser que tous les espoirs en matière de pacification ne sont pas totalement stériles.
En vous remerciant.
Pierrette Tchernio
Le film sortira en DVD le 3 juin
* : Bernard Guetta est un journaliste, spécialisé dans la géopolitique et accessoirement frère de David (toute l’improbabilité des lois de la génétique …).