Seilh. Orangerie de Rochemontès, dimanche 24 novembre 2013.
Julia Kogan, soprano ; Marc Verter, piano.
Flânerie au hasard des chants.
Les concerts du dimanche de l’Orangerie de Rochemontès organisés par Catherine Kauffmann-Saint-Martin en sont à leur opus 8. Nous lui devons de grands moments.
Pensons à la magnifique rencontre avec Marc Coppey l’an dernier. La cantatrice coloratura Julia Kogan a eu carte blanche et a décontenancé une partie du public tout en séduisant la plus grande partie en raison d’un concept de concert très particulier. Nous rendons les armes devant le colossal travail qui lui a fait préparer avec son complice le pianiste Marc Verter près de 60 mélodies et lieder. Nous admirons le travail vocal qui permet à Julia d’embrasser une large tessiture, pourtant un malaise s’installe. Selon une mise en lot thématique par groupe de deux ou trois sans tenir compte des styles et des époques nous avons ainsi, par tirage au sort dans la salle, pu entendre des thèmes comme le voyage, l’amour malheureux ou les pleurs etc. … Nous n’avons rien eu d’un récital de mélodie patiemment concocté par une cantatrice méticuleuse mais au contraire une impression de vertige et de fuite en avant. Des Styles et des atmosphères ont été catapultées les unes contre les autres. Ne créant pas une atmosphère d’attente et de préparation pour le public nous avons en toute hâte été abreuvé de mélodies de toutes époques et de tous styles en quatre langues. Ce concert du hasard a donc été quelque peu kaléidoscopique.
Aucun vrai silence n’a permis de terminer une mélodie ou d’introduire la suivante. Dans un style de café concert assumé, Marc Verter a pianoté pendant que la cantatrice passait dans les rangs pour faire tirer au sort le groupe de mélodies suivant. Dans cette course en avant, cette juxtaposition de styles, le pianiste a surtout étonné par sa terrifiante capacité de lecture, rien de semble le surprendre : il semble pouvoir tout jouer. Ainsi tout sonne un peu pareil et les styles ne sont pas vraiment approfondis. Julia Kogan de son coté n’a pas le temps d’installer une atmosphère et glisse entre les mélodies, les lieder et les airs comme un poisson dans l’eau, mais rien ne permet à l’émotion de s’inviter. La technique est sure, la voix est plus développée dans l’aigu et le suraigu. Elle doit dangereusement poitriner dans le grave avec un caractère manquant parfois d’élégance. Très admiratif de l’ampleur du répertoire à sa disposition suggérons à la cantatrice qu’il y aurait eu de quoi proposer plusieurs très belles après-midi en se délectant de groupes de mélodies. Il n’est pas possible de dire à propos du show de cette après midi quels répertoires conviennent le mieux à la cantatrice mais une direction artistique plus précise lui permettrait d’approfondir les théâtres miniatures des émotions contenus dans ces courtes pièces plutôt que de courir ainsi sans direction. Et passer ainsi sans intervalles entre parole et chant et interpeller le public tient certes de l’exploit mais peu de la musique classique.
Une après midi à Rochemontès avec un gout d’étrange nous a été proposée, en rupture avec le style musical habituel, mais la suite de la saison concoctée par Catherine Kauffmann-Saint-Martin promet un retour vers de beaux moments de musique avec bientôt le trio Elysée dans un programme de concert plus concentré.
Toutes les photos sont de @Lamodi
Hubert Stoecklin
Dans des disques avec des projets artistiques plus précis Julia Kogan nous avait d’avantage convaincu, surtout le CD Troïka.