Le ( seul ?) bon coté de la rentrée à Toulouse est le Festival Piano aux Jacobins. Toulouse deviens alors la capitale du piano. Grands artistes confirmés comme jeunes espoirs viennent chaque soir ( 28 cette année) ravir un public nombreux et varié.
Les douces soirées, d’été dans un cloitre magnifique à l’acoustique généreuse, sont ainsi dédiées au piano dans tout son vaste répertoire.
Nelson Goerner en fin musicien a émerveillé le public pour le premier concert.
Pour sa 34 ieme édition, Piano aux Jacobins avait prévu la venue de Menahem Pressler pour son concert d´ouverture. Le grand pianiste, fondateur du beaux arts trio, n’a pas pu honorer cette invitation en raison de soucis de santé que nous espérons dépassés. Nelson Goerner pianiste Argentin adoubé par Martha Argerich dès son plus jeune âge est un musicien hors des sentiers battus. Il est auréolé de succès planétaires sans effets médiatiques.
C’est en toute simplicité qu’ il est venu et il a enchanté le public par une présence amicale, concentrée et bienveillante. Son programme a été particulièrement exigeant et il a su entraîner les auditeurs dans un voyage merveilleux au pays de sons contrastés et nuancés, aux colorations irisées.
Des les premiers notes de l’andante de la sonate K.282 de Mozart la retenue du tempo surprend. La nuance douce aussi et les couleurs de pastels sont inhabituelles. Nous devinons que le musicien cherche à comprendre l’acoustique particulière du lieu. Cette concentration exemplaire cette écoute subtile conduisent à une sorte de prise par la main, ferme et douce à la fois, de ĺ auditeur. Le voyage s’initie, l’invitation à découvrir un monde sonore intime ne peut être refusée et c’est avec un phrasé d’une grande subtilité que les mélodies se déroulent, les trilles émaillent gaiement le voyage, les nuance se développent, le chemin est si beau que le temps retient son avancée. La sonate est un camé, les nuances piano sont particulièrement pures avec une quasi liquidité du son. Le final jubilatoire et théâtral est resplendissant. Cette première étape du voyage a progressivement emporté les spectateurs dans un univers de beauté et de plaisir de vivre.
Les Kreisleriana de Schumann, sont composées en hommage à Chopin et pianistiquement les huit pièces sont très exigeantes. Pour l’auditeur les mondes abruptement télescopés de Schumann rendent l’écoute parfois difficile. Ce soir Nelson Goerner a mis ses immenses moyens au service de la pureté de la musique. Les nuances se déploient au maximum. Les piani sont suspendus, et semblent plus délicats encore à côté de forte si puissants. Les couleurs sont dignes de Delacroix, saturées parfois à l’extrême. Certains autres interprètes peuvent y mettre plus de folie ou de violence mais peu savent, comme Nelson Goerner, en révéler ainsi les beautés et les audaces. La pause de l’entracte est utile au spectateur afin d’assimiler les effets d’un voyage musical si extraordinaire….
Le succès public, bruyamment manifesté après tant de subtilité, obtient trois magnifiques bis. Estampe de Debussy, « La soirée dans Grenade » est colorée et s’adapte fort bien à l’acoustique très réverbérée de la salle capitulaire. La 4ème Etude de l’op. 10 de Chopin rappelle l’extraordinaire concert Chopin donné en 2011 par Goerner ici-même. Enfin un apaisant Nocturne de Paderewski ferme le voyage avec simplicité.
Une ouverture de Festival sur des sommets de musicalité grâce à Nelson Goerner au firmament de son art poétique
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Hubert Stoecklin
Toulouse, le 4 septembre 2013. Cloitre des Jacobins. Wolfgang-Amadeus Mozart (1756-1791) : Sonate en mi bémol majeur K 282; Robert Schumann (1810-1856) : Kreisleriana op. 16 ; Frantz Schubert (1797-1828) : Sonate n° 23 en si bémol majeur D 960. Nelson Goerner, piano.