« Le passé », un film d’Asghar Farhadi
Celui qui nous avait littéralement bluffés en 2010 avec La séparation nous revient aujourd’hui avec un opus un peu plus ambigu. Ce film de 2h10, aux qualités cinématographiques indéniables, laisse perplexe sur d’autres points dont le moins anodin est certainement le scénario signé du réalisateur. Paris, ou du moins sa proche banlieue, un pavillon pas très reluisant coincé entre deux voies de chemin de fer. C’est là que vit Marie, pharmacienne, avec ses deux filles. Après quatre années de séparation avec son mari, Ahmad (Ali Mosaffa dans un rôle plutôt avantageux), retourné à Téhéran, ce dernier revient afin de signer les documents ayant traits à leur divorce. Marie lui propose de loger chez elle, d’autant qu’elle souhaite qu’il parle à son aînée, une jeune fille en pleine crise. Le nid est bien sûr occupé, d’une part par Samir (Tahar Rahim, assez monolithique), le nouveau copain de Marie, et par son fils Fouad. Ce petit monde va malgré tout cohabiter, non sans danger car cette promiscuité va révéler un lourd secret. A vrai dire, sur ce pitch un brin à suspense, se dissimule à peine une enfilade de coups de théâtre qui, au bout d’un moment, n’est pas loin de faire chavirer une barque dramatique bien trop pleine. Tout y passe, depuis les problèmes des familles recomposées jusqu’aux différences de tempéraments mettant bien en exergue la suprême patience toute orientale d’Ahmad face à ce maelström de complications en tous genres. In fine le film traîne en longueur, pour ne pas dire tire à la ligne et ce qui doit arriver arrive fatalement, il sonne faux. Les coutures apparaissent, y compris dans le jeu des comédiens. Et il est alors difficile de comprendre objectivement que Bérénice Béjo soit repartie de Cannes cette année avec une Palme d’Interprétation féminine pour le rôle de Marie. Soulignons tout de même la performance du tout jeune Elyes Aguis dans le personnage de Fouad, véritable boule de peines contenues, épatant de conviction. Salué par une critique quasi unanime (?), ce film est, pour le signataire de ces lignes et au vue de La séparation, une vraie déception.
Robert Pénavayre