Je ne sais pas vous mais j’avoue être toujours intriguée lorsque j’entends dire qu’un » rejeton de » tente de faire ses armes dans le domaine de prédilection de son géniteur. Cela réussit plutôt à certains (ce ne sont pas Sofia Coppola, Romain Gavras ou Alexandre Aja qui me contrediront), pour d’autres on n’ose même pas se poser la question (qui est capable de dire ce qu’a accompli la progéniture de Max Pecas ??).
A la perspective de découvrir la première réalisation de Brandon Cronenberg (fils de David donc), je vous avouerais avoir eu quelques sueurs froides. Quelle direction allait prendre le garçon ? Se contenterait – il de produire une (forcément) pâle copie du travail de son paternel ? Ou prendrait – il au contraire le total contre pied de l’univers organique et angoissant de son illustre papounet ?? Rhaaaaaa tant de questions et d’interrogations absolument essentielles à la bonne marche du monde …
Dans un futur pas vraiment identifié, l’humanité voue un véritable culte aux starlettes et autres célébrités jetables (toute ressemblance avec une société actuelle peut déjà commencer à vous inquiéter). Au lieu de bêtement collectionner des autographes, le commun des mortels en est arrivé à un tel besoin d’identification qu’il souhaite littéralement communier avec sa star préférée. C’est pourquoi, certaines compagnies pharmaceutiques ont eu une idée de génie : effectuer des prélèvements sanguins sur les personnalités les plus en vogue afin de copier leurs diverses infections, copies qui seront par la suite vendues aux fans.
Ainsi, n’importe quel clampin muni d’une carte visa pourra se retrouver avec l’herpès ou le rhume du mannequin qu’il vénère et la joie sans limite de partager quelque chose avec lui (même si ce ne sont que quelques microbes).
Telle une World Company, l’entreprise semble tentaculaire et ses salariés des répliques les unes des autres. Syd March fait lui aussi partie de la cohorte de ces vendeurs un peu particuliers.
Mais si ses collègues se contentent d’être simplement cyniques sur leurs activités, Syd pousse le concept un peu plus loin et n’hésite pas à » sortir du matériel » en fraude pour le revendre à prix d’or au marché noir.
Malgré une direction qui commence à se poser des questions (un de ses collègues est d’ailleurs arrêté pour trafic), Syd se contente de baisser l’échine et de sauter sur l’occasion lorsqu’elle se présente : prélever le dernier virus de Sarah Gordon (vedette tendance du moment) et s’en injecter un échantillon dans son propre organisme.
Lorsque quelques heures plus tard, on annonce la mort de la starlette, Syd se rend compte qu’il est peut – être allé trop loin …
Vous imaginez vous retrouver avec l’angine de Kim Kardashian ? Ou l’ulcère de Paris Hilton ? Avec Antiviral, c’est enfin possible … L’idée peut faire sourire, je peux pourtant vous assurer que le traitement de cette histoire fait froid dans le dos …
En accentuant le système actuel de vénération de l’éphémère et du superficiel, Brandon Cronenberg pose une vraie problématique de notre société de consommation et de son rapport aux célébrités : besoin irrépressible de vouloir les approcher à tout prix, tendance à vivre par procuration, culte du physique. Certes, ici la chose est poussée à l’extrême car en plus de pouvoir partager leurs microbes, on peut également se régaler d’elles. En effet, par un ingénieux système de multiplication de cellules, vous pouvez acheter à la place de votre habituel filet de poulet, un steak de cellules de votre star préférée … Tout simplement immonde …
Au – delà de cette réflexion, le long – métrage s’appuie sur des décors dépouillés et souvent immaculés,
accentuant parfaitement l’ambiance déjà froide et clinique. Peu d’éléments permettent de se situer réellement dans le temps (moyen imparable pour donner une intemporalité à un film et lui faire traverser les époques sans dommage). La mise en scène est réellement classieuse, c’est peut – être d’ailleurs là son moindre défaut, l’hyper esthétisme de certains plans n’ayant parfois comme mission que d’être hyper esthétique, sans vocation particulière à faire avancer l’intrigue (vomir un sang écarlate sur d’opalescents oreillers ou un sol blanc comme neige, y’a pas à dire, ça en jette).
Le casting, du jeune Caleb Landry Jones (mutique garçon au thermomètre vissé en permanence aux coins des lèvres et autres étranges moeurs), au confirmé Malcolm McDowell, en passant par la galerie de seconds rôles, est exemplaire.
Du coup, même si Brandon Cronenberg ne peut totalement renier un héritage paternel certain (faisant appel à la paranoïa et l’organique notamment), il a su, avec ce film, faire honneur à son illustre ascendance tout en commençant à tracer un sillon plus personnel. On guettera le prochain.
En vous remerciant.
L’info fils de : Après deux premiers films ayant eu bonne presse mais passés plutôt inaperçus auprès du grand public (Moon et Source code), Duncan Jones (accessoirement fils de David Bowie)
deviendra le prochain réalisateur de World of Warcraft. Après le refus de Sam Raimi. J’entends déjà hurler à l’hérésie …